22 décembre 2021

Cadeau de Noël : présent d’usage ou don manuel ?

Me Grégory D'Angela

Dans trois jours, ce sera Noël. A cette occasion, vous offrirez peut-être à votre fils une voiture de sport de 50 000 euros. Comment le droit fiscal appréhende-t-il un tel cadeau de Noël ?

En droit fiscal, la qualification du cadeau de Noël n’est pas toujours aisée. En effet, le fait pour une personne de se dépouiller irrévocablement, sans contrepartie et dans une intention libérale, d’un bien meuble lui appartenant au profit d’une autre personne peut constituer soit un don manuel, soit un présent d’usage. Or, il importe de distinguer clairement ces deux notions dans la mesure où elles emportent des conséquences fiscales différentes.

 

Le présent d’usage

La notion de présent d’usage : 

Le législateur n’a donné aucune définition précise du présent d’usage. L’article 852 du code civil se borne ainsi à indiquer que « le caractère de présent d’usage s’apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant ».

S’agissant de la jurisprudence, la Cour de Cassation a seulement précisé que le présent d’usage est un « cadeau fait à l’occasion de certains événements, conformément à un usage, et n’excédant pas une certaine valeur » (Cass. Civ. 1ère, 6 décembre 1988, n° 87-15.083, publié au bulletin).

L’administration fiscale a, quant à elle, indiqué, sans être très précise, que le caractère de présent d’usage « peut généralement être reconnu aux cadeaux faits aux enfants mineurs par des membres et des amis de la famille. Ainsi, pour les sommes versées par des parents sur un plan d’épargne logement ouvert au nom de leur enfant, il est admis, compte tenu notamment du montant maximal des sommes pouvant être placées, que ce placement financier puisse être qualifié de présent d’usage. Cette qualification reste néanmoins une question de fait qui, en cas de litige, relève de la compétence du juge judiciaire » (BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10 n°250).

La fiscalité des présents d’usage :

Les présents d’usage échappent aux règles civiles des donations en vertu de l’article 852 du code civil, qui dispose que « les frais de nourriture, d’entretien, d’éducation, d’apprentissage, les frais ordinaires d’équipement, ceux de noces et les présents d’usage ne doivent pas être rapportés, sauf volonté contraire du disposant ».

Sur un plan fiscal, et bien que le code général des impôts n’en fasse pas mention, l’administration fiscale admet, en vertu de ce principe civiliste de non-soumission des présents d’usage aux règles de rapport des donations, que les présents d’usage ne soient pas soumis aux droits de mutation à titre gratuit (BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10 n°250).

 

Le don manuel

La notion de don manuel :

Le législateur n’a donné aucune définition de la notion de don manuel.

L’administration fiscale se borne à indiquer que constituent des dons manuels ceux « qui se font par la simple remise d’objets mobiliers. L’exigence primitive d’une transmission « de la main à la main » s’est toutefois notablement assouplie avec la naissance de formes nouvelles de transmissions des biens. C’est ainsi que la jurisprudence a admis la validité des dons manuels par chèques, des dons manuels de titres, de bons de caisse. En effet, il importe peu que matériellement le transfert des fonds se soit opéré par virement de compte dès lors que cette opération a entraîné dessaisissement réel et immédiat au profit du donataire. La notion de don manuel peut donc porter sur des biens corporels et incorporels et même se réaliser par un simple jeu d’écriture » (BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10 n°10 et n°30).

La fiscalité des dons manuels :

Contrairement aux présents d’usage, les dons manuels sont soumis aux droits de mutation à titre gratuit.

 

Cadeau de Noël : comment distinguer présent d’usage et don manuel ?

Le cadeau de Noël est indéniablement offert à « l’occasion d’un événement ». De ce fait, il peut théoriquement revêtir aussi bien la qualification de don manuel que celle de présent d’usage.

Ce n’est donc qu’au cas par cas qu’il sera possible de déterminer si le « cadeau » en question répond à l’une ou l’autre de ces qualifications.

Dans une décision de rescrit (ENR) n° 2013/05 en date du 3 avril 2013 (publiée au BOFIP sous la référence BOI-ENR-DMTG-20-10-20-10, n° 260), l’administration fiscale a indiqué à cet égard que « l’appréciation de la nature d’un don manuel et de son caractère rapportable ou non en fonction de son importance, est une question de fait. La qualification de présent d’usage pour un cadeau consenti résulte donc, au plan civil comme au plan fiscal, d’un examen des circonstances concrètes de chaque affaire, incompatible avec l’application de critères normatifs préétablis. Dès lors, l’administration fiscale ne fixe aucune règle de proportionnalité du présent par rapport à la fortune ou aux revenus du donateur et apprécie au cas par cas la nature du don, en fonction de l’ensemble des circonstances de fait ayant entouré la libéralité, et sous le contrôle souverain des juges du fond ».

Ce faisant, l’administration fiscale refuse clairement, pour apprécier la qualification de présent d’usage, de faire prévaloir le critère du patrimoine du donateur sur celui de ses revenus et vice-versa.

Les contribuables ayant un patrimoine important mais disposant de faibles revenus doivent donc rester prudents et modérés quant au montant des « cadeaux » de Noël offerts à leur progéniture.

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