06 février 2022

Fiscalité France Tunisie : précisions sur la notion de résident fiscal

Me Grégory D'Angela

Dans une décision du 2 février 2022 (CE 2 février 2022, req. n° 443018, publié aux Tables), le Conseil d’Etat a précisé ce qu’il convient d’entendre par « résident d’un Etat contractant » en vue de l’application de la convention fiscale franco-tunisienne du 28 mai 1973.

La notion de résident d’un Etat contractant est définie à l’article 3 de la convention fiscale franco-tunisienne du 28 mai 1973 qui stipule que :

« 1. Au sens de la présente Convention, l’expression ” résident d’un Etat contractant ” désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l’impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue ».

Une société ayant son siège en Tunisie peut-elle être considérée comme un résident fiscal de Tunisie au sens de l’article 3 de la convention fiscale franco-tunisienne du 28 mai 1973, alors qu’elle est exonérée d’impôt sur les sociétés en Tunisie à raison des bénéfices retirés de son activité exercée en France et qu’elle ne réalise aucun chiffre d’affaires en Tunisie ?

Oui, selon la décision du 2 février 2022.

 

Le critère non déterminant : l’absence d’imposition en Tunisie des revenus de source française

Tout d’abord, il est à noter que l’article 3 de la convention fiscale franco-tunisienne du 28 mai 1973 ne subordonne pas la qualité de résident fiscal de Tunisie au fait d’être soumis à une obligation fiscale illimitée dans cet Etat, c’est-à-dire au fait d’être soumis à l’impôt en Tunisie à raison à la fois de ses revenus de source tunisienne et de ses revenus de source française.

Par suite, le fait qu’une société ayant son siège en Tunisie soit exonérée d’impôt sur les sociétés en Tunisie à raison des bénéfices retirés de son activité exercée en France ne fait pas obstacle à ce qu’elle soit qualifiée de résident fiscal de Tunisie.

 

Le critère déterminant : l’existence d’un lien personnel avec la Tunisie

L’exercice d’une activité en Tunisie :

En fait, il résulte clairement de l’article 3 de la convention fiscale franco-tunisienne du 28 mai 1973 que pour être résident fiscal de Tunisie, il faut être assujetti à l’impôt, en vertu de la loi fiscale tunisienne, en raison d’un lien de nature personnelle avec la Tunisie : domicile, résidence, siège de direction ou autre critère analogue.

Dans sa décision du 2 février 2022 (CE 2 février 2022, req. n° 443018, publié aux Tables), le Conseil d’Etat en a déduit qu’une société ayant son siège en Tunisie peut être regardée comme résident fiscal de Tunisie dès lors qu’elle exerce une activité en Tunisie :

« 3. Les stipulations de l’article 3 de la convention franco-tunisienne citées ci-dessus doivent être interprétées conformément au sens ordinaire à attribuer à leurs termes, dans leur contexte et à la lumière de leur objet et de leur but. Il résulte des termes mêmes de ces stipulations, qui définissent le champ d’application de la convention, conformément à son objet principal qui est d’éviter les doubles impositions, que les personnes qui ne sont pas soumises à l’impôt en cause par la loi de l’Etat concerné à raison de leur statut ou de leur activité ne peuvent être regardées comme assujetties au sens de ces stipulations ».

L’absence d’incidence de la réalisation d’un chiffre d’affaires nul :

Chose plus surprenante, le Conseil d’Etat considère que le fait que la société ayant son siège en Tunisie ne réalise aucun chiffre d’affaires sur place n’est pas de nature à lui retirer sa qualité de résident fiscal de Tunisie, dès lors qu’elle exerce bien une activité dans ce pays :

« La cour a pu, sans commettre d’erreur de droit, juger qu’alors même qu’ainsi que le soutenait l’administration, la société n’avait pas réalisé de chiffre d’affaires sur le marché local pendant la période en litige, elle était soumise à l’impôt sur les sociétés en Tunisie à raison de son activité. Elle n’a, par suite, pas commis d’erreur de qualification juridique en en déduisant que, pour l’application de l’article 3 de la convention fiscale entre la France et la Tunisie, la société devait être regardée comme résidente de ce dernier Etat ».

Peut-on être regardé comme exerçant une activité en Tunisie sans réaliser de chiffre d’affaires sur place ? La question n’est pas évidente.

Une société établie en Tunisie qui ne percevrait jamais de revenu de source tunisienne à raison de son activité pourrait, à notre sens, difficilement être regardée comme exerçant une activité sur place.

Il en va différemment lorsque l’absence de perception de revenus de source tunisienne est purement conjoncturelle. C’est cette deuxième hypothèse qui, semble-t-il, était en cause dans l’affaire examinée par le Conseil d’Etat dans sa décision du 2 février 2022.

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