08 février 2022

Abus de droit fiscal : le retour de la jurisprudence Janfin

Me Grégory D'Angela

La décision Hays France du 4 février 2022 (CE 4 février 2022 Société Hays France, req. n° 455278, publié aux Tables) consacre le retour de la jurisprudence Janfin rendue en matière d’abus de droit fiscal.

Pour rappel, la jurisprudence Janfin a reconnu l’existence d’un principe général du droit à la répression des abus de droit permettant à l’administration fiscale, en dehors du champ d’application de l’article L. 64 du Livre des procédures fiscales (LPF), d’écarter comme inopposables des actes de droit privé qui soit sont fictifs (abus de droit par simulation), soit constituent une fraude à la loi (abus de droit par fraude à la loi).

En cas d’application de la jurisprudence Janfin, il est important de noter que le contribuable ne bénéficie pas des garanties afférentes à la procédure de répression des abus de droit figurant à l’article L. 64 du LPF, notamment de la possibilité de saisir le comité de l’abus de droit fiscal et des règles de charge de la preuve en découlant.

Pour éviter que le contribuable ne se retrouve trop souvent dans ce cas de figure, le législateur a décidé de réécrire le texte de l’article L. 64 du LPF afin d’augmenter son champ d’application et réduire ainsi d’autant celui de la jurisprudence Janfin. Cette réforme législative a été opérée par la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 portant loi de finances rectificative pour 2008, applicable à compter du 1er janvier 2009.

Depuis l’entrée en vigueur de cette réforme législative, on pouvait se demander si la jurisprudence Janfin avait encore un avenir. La décision Hays France du 4 février 2022 vient nous rappeler que cette jurisprudence est loin d’être morte.

 

L’application de la jurisprudence Janfin en Polynésie française

La jurisprudence Janfin conserve tout son intérêt dans les territoires où l’article L. 64 du LPF n’est applicable. Tel est le cas, par exemple, en Polynésie française :

« Considérant, d’une part, que, si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l’administration tant qu’il n’a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient à l’administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d’obtenir l’application de dispositions de droit public, d’y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d’un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l’administration à ne pas tenir compte d’actes de droit privé opposables aux tiers ; que ce principe s’applique également en matière fiscale, dès lors que le litige n’entre pas dans le champ d’application des dispositions particulières de l’article L. 64 du LPF, lequel n’est pas applicable en Polynésie française » (CE 12 mars 2010 Société Charcuterie du Pacifique, req. n° 306368, publié aux Tables).

 

L’application de la jurisprudence Janfin en l’absence de rectification fiscale

Qu’en est-il en métropole ?

En vertu de l’article R.*64-1 du LPF, la décision de mettre en œuvre les dispositions prévues à l’article L. 64 doit apparaître dans la notification de la proposition de rectification. Il en résulte que la procédure de répression des abus de droit prévue à l’article L. 64 du LPF s’applique uniquement en cas de rectification notifiée par l’administration fiscale (CE 4 février 2022 Société Hays France, req. n° 455278, publié aux Tables).

Par suite, en cas de contentieux fiscal ne résultant pas d’une rectification fiscale (contentieux fiscal afférent à une imposition primitive), l’administration fiscale se trouve en dehors du champ d’application de l’article L. 64 du LPF ; ce qui lui permet de se prévaloir de la jurisprudence Janfin pour écarter comme inopposables des actes de droit privé qui soit sont fictifs, soit constituent une fraude à la loi.

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