La retenue à la source prévue à l’article 182 A du code général des impôts (ci-après CGI) s’applique aux contribuables percevant des salaires de source française et n’ayant pas de domicile fiscal en France :
« I. A l’exception des salaires entrant dans le champ d’application de l’article 182 A bis, les traitements, salaires, pensions et rentes viagères, de source française, servis à des personnes qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France donnent lieu à l’application d’une retenue à la source » (art. 182 A du CGI)
Cette retenue à la source peut-elle s’appliquer aux contribuables ayant leur domicile fiscal en France au sens de l’article 4 B du CGI mais dont la résidence fiscale est située à l’étranger en application d’une convention fiscale internationale ?
Le Conseil d’Etat a répondu à cette délicate question de fiscalité internationale dans une décision récente « Société Axa Group Opérations » (CE 5 février 2024 Société Axa Group Opérations, req. n° 469771, publié aux Tables). Il a jugé très clairement que seuls les contribuables ayant leur domicile fiscal hors de France au sens du droit interne peuvent être soumis à la retenue à la source de l’article 182 A du CGI. Par suite, en sont exclus les contribuables ayant leur domicile fiscal en France au sens de l’article 4 B du CGI mais dont la résidence fiscale est située à l’étranger en vertu d’une convention fiscale internationale :
« Il résulte de ces dispositions qu’une personne qui exerce en France une activité professionnelle à titre non accessoire a, de ce fait, son domicile fiscal en France au sens des dispositions de l’article 4 B du code général des impôts et que les salaires qui lui sont versés à ce titre ne peuvent, par suite, donner lieu à l’application de la retenue à la source prévue par les dispositions précitées de l’article 182 A du même code, la circonstance que l’intéressé puisse être regardé, en application des stipulations d’une convention fiscale conclue avec un autre Etat, comme résident de cet autre Etat et non comme résident de France étant dépourvue d’incidence à cet égard ».
Revenus soumis à la retenue à la source de l’article 182 A du CGI
Sont soumis à la retenue à la source de l’article 182 A du CGI :
- les salaires tirés d’une activité professionnelle exercée en France, à l’exception des salaires versés en contrepartie d’une prestation artistique ou sportive, que le débiteur des salaires soit domicilié ou établi en France ou à l’étranger.
- les retraites, pensions et rentes viagères payées par un débiteur qui est domicilié ou établi en France
L’assiette de cette retenue est constituée par le montant net du revenu perçu. En ce qui concerne les salaires, le revenu net s’entend du salaire net après application de la déduction forfaitaire de 10 % pour frais professionnels.
La retenue est prélevée à un taux progressif : 0 % jusqu’à 16 820 euros de revenus, 12 % pour la tranche de revenus compris entre 16 280 euros et 48 790 euros et 20 % au-delà (taux applicables en 2024 pour la Métropole).
Personnes soumises à la retenue à la source de l’article 182 A du CGI
L’article 182 A du CGI ne s’applique qu’aux « personnes qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France ».
La notion de « domicile fiscal » est une notion que l’on ne retrouve qu’en droit interne, les conventions fiscales internationales employant, quant à elles, celle de « résidence fiscale ».
Toutefois, faute de préciser expressément qu’il ne s’applique qu’aux contribuables ayant leur domicile fiscal hors de France « au sens de l’article 4 B du CGI », il existait un doute sur le point de savoir si l’article 182 A ne pourrait pas s’appliquer aux contribuables ayant leur domicile fiscal en France au sens de l’article 4 B du CGI mais dont la résidence fiscale est située à l’étranger en application d’une convention fiscale internationale.
Fort heureusement, dans sa décision « Société Axa Group Opérations » précitée, le Conseil d’Etat a clairement exclu cette possibilité : seuls les contribuables ayant leur domicile fiscal hors de France au sens de l’article 4 B peuvent être soumis à la retenue à la source de l’article 182 A.
En conséquence, en sont exclus les contribuables ayant leur domicile fiscal en France au sens de l’article 4 B du CGI mais dont la résidence fiscale est située à l’étranger en vertu d’une convention fiscale internationale. En l’espèce, tel était le cas du PDG de la société Axa Group Opérations, établie en France, qui avait perçu des salaires en rémunération de son mandat social, et était de ce fait domicilié fiscalement en France en vertu de l’article 4 B, mais avait sa résidence fiscale en Suisse en application de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966.
Il ne s’agit pas d’une question purement théorique, les enjeux financiers pouvant s’avérer considérables pour le débiteur des rémunérations, qui est également le redevable de la retenue à la source. En effet, en cas de non-respect des dispositions de l’article 182 A du CGI, outre un lourd redressement correspondant aux retenues non effectuées, il encourt les sanctions pénales prévues à l’article 1771 du CGI, à savoir une amende de 9000 € et cinq ans d’emprisonnement.