23 février 2024

Convention fiscale franco-tunisienne : crédit d’impôt forfaitaire et règle du butoir

Me Grégory D'Angela

Convention fiscale franco-tunisienne : Un résident fiscal de France percevant des redevances de source tunisienne au titre de la concession de licences d’exploitation de brevets, dessins et modèles, plans, formules ou procédés secrets bénéficie d’un crédit d’impôt forfaitaire égal à 20 % du montant brut des redevances.

La règle du butoir, qui a pour effet de limiter le crédit d’impôt conventionnel dont bénéficie le résident fiscal de France au montant de l’impôt français correspondant aux revenus de source étrangère, peut-elle s’appliquer à ce crédit d’impôt forfaitaire alors même que la convention fiscale franco-tunisienne ne la prévoit pas expressément ?

Dans une décision « Somfy » du 19 février 2024 (CE 19 février 2024 Somfy, req. n° 469407, publié aux Tables), le Conseil d’Etat a répondu par la négative :

« 4. Il résulte des stipulations du d du 1 de l’article 29 de la convention fiscale franco-tunisienne qu’elles n’ouvrent droit, s’agissant notamment des redevances provenant de la concession de licences d’exploitation de brevets qui sont visées au b du 2 de son article 19, à un crédit d’impôt que dans l’hypothèse où ces redevances ont supporté l’impôt en Tunisie, lequel est considéré comme ayant été perçu au taux minimum de 20 %. En revanche, il ne résulte pas des stipulations du d du 1 de l’article 29 de la convention, qui dérogent sur ce point, s’agissant des seules redevances qu’elles mentionnent, à la règle énoncée au b du même 1, applicable à la généralité des revenus visés aux articles 18, 19, 23 et 24 de la convention, que le montant du crédit d’impôt imputable en France qu’elles prévoient serait, comme le soutient le ministre, limité à celui de l’impôt français correspondant à ces redevances. Demeure sans incidence à cet égard la circonstance que l’objet principal des stipulations de l’article 29 de la convention est l’élimination des doubles impositions susceptibles d’affecter les revenus pour lesquels celle-ci prévoit qu’ils peuvent être imposés par chacun des deux Etats parties, dès lors qu’un tel objet n’implique pas, contrairement à ce que soutient le ministre à l’appui de son pourvoi, que le montant du crédit d’impôt imputable en France accordé à cette fin soit nécessairement limité à celui de l’impôt français correspondant à ces revenus ».

En conséquence, en présence d’un crédit d’impôt forfaitaire, la règle du butoir ne s’applique que si elle est prévue expressément par la convention fiscale internationale ; ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

 

Objet du litige fiscal

La SAS Somfy, établie en France, a perçu des redevances de source tunisienne en rémunération de la concession de licences d’exploitation de brevets ; ce qui lui ouvre droit, en vertu du d) du 1 de l’article 29 de la convention fiscale franco-tunisienne du 28 mai 1973, à un crédit d’impôt forfaitaire égal à 20 % du montant brut des redevances.

La SA Somfy, société mère du groupe fiscalement intégré dont fait partie la SAS Somfy, a introduit une réclamation contentieuse afin que le crédit d’impôt forfaitaire de 20 % ne soit pas limité au montant de l’impôt français correspondant aux redevances de source tunisienne.

L’administration fiscale a rejeté cette réclamation contentieuse au motif qu’il convient d’appliquer la règle du butoir alors même qu’elle n’est pas prévue expressément par la convention fiscale franco-tunisienne en présence d’un crédit d’impôt forfaitaire.

La SA Somfy a alors saisi les juridictions administratives. Le tribunal administratif, puis la cour administrative d’appel, et enfin le Conseil d’Etat lui ont donné gain de cause au motif que la règle du butoir ne peut s’appliquer tacitement.

 

Convention fiscale franco-tunisienne et redevances de concession de licence d’exploitation de brevet

L’article 29 de la convention fiscale France Tunisie du 28 mai 1973 stipule que :

« La double imposition est évitée de la manière suivante :

1. Dans le cas de la France :

d) Les redevances imposées en Tunisie au titre de l’article 19, paragraphe 2 b ci-dessus, ouvrent droit à un crédit égal à 20 p. cent de leur montant brut».

Les redevances visées à article 19, paragraphe 2 b sont « les redevances provenant de la concession de licences d’exploitation de brevets, dessins et modèles, plans, formules ou procédés secrets, provenant de sources situées sur le territoire de l’un des Etats contractants et payées à une personne résidente de l’autre Etat ».

Il résulte de la combinaison de ces deux textes qu’un résident fiscal de France percevant des redevances de source tunisienne provenant de la concession de licences d’exploitation de brevets peut imputer sur l’impôt français un crédit d’impôt forfaitaire égal à 20 % du montant brut de ces redevances.

Il est à noter que dès lors que les redevances sont imposées en Tunisie, leur bénéficiaire a droit au crédit d’impôt forfaire de 20 % quel que soit le montant réel de l’impôt tunisien.

 

Convention fiscale franco-tunisienne et règle du butoir

Le crédit d’impôt forfaitaire de 20 % peut-il toutefois être limité, en vertu de la règle du butoir, au montant de l’impôt français correspondant aux redevances de source tunisienne ?

Si la règle du butoir est prévue expressément par le b) du 1 de l’article 29 de la convention fiscale franco-tunisienne, elle est, en revanche, nullement mentionnée par le d) du 1 du même article.

La règle du butoir peut-elle découler implicitement de l’existence d’un crédit d’impôt de nature forfaitaire ? Dans sa décision « Somfy » précitée du 19 février 2024 (CE 19 février 2024 Somfy, req. n° 469407, publié aux Tables), le Conseil d’Etat ne l’a pas admis.

Il en résulte que le crédit d’impôt forfaitaire de 20 % peut s’imputer sur l’impôt français pour un montant supérieur à celui de l’impôt français correspondant aux redevances de source tunisienne ; ce qui peut avoir pour effet de diminuer l’impôt dû en France à raison d’autres revenus.

Le crédit d’impôt forfaitaire de 20 % ne peut, en revanche, pas conduire l’impôt français à un montant négatif. En effet, un crédit d’impôt conventionnel ne peut jamais conduire à une restitution d’impôt.

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