En cas de non-respect des délais de déclaration des revenus, les droits dus d’impôt sur le revenu sont soumis aux majorations prévues aux articles 1728 ou 1758 A du code général des impôts (CGI). Quelle est l’assiette de ces majorations d’impôt sur le revenu ? Comprend-elle l’ensemble des droits mis à la charge du contribuable par le rôle, sans que soient déduites les sommes versées au titre du prélèvement à la source ou des anciens acomptes dits de tiers provisionnels ? Ou bien cette assiette se limite-t-elle au solde d’impôt restant dû ?
Dans une décision du 4 janvier 2024 (CE 4 janvier 2024, req. n° 488915, publié aux Tables), le Conseil d’Etat a tranché en faveur de la première option, à savoir le fait que l’assiette des majorations d’impôt sur le revenu est égale aux droits mis à la charge du contribuable par le rôle, sans que soient déduites les sommes versées au titre du prélèvement à la source ou des anciens acomptes dits de tiers provisionnels :
« 5. En second lieu, en matière d’impôt sur le revenu, le montant des droits mis à la charge des contribuables est fixé par voie de rôle, sur la base des déclarations annuelles de revenus et bénéfices prévues par l’article 170 du code général des impôts, cité au point 3, indépendamment, le cas échéant, des versements non libératoires déjà effectués en application des modalités de recouvrement prévues à l’article 1664 du code général des impôts puis, à compter de l’institution du prélèvement à la source, à l’article 204 A du même code, cités à ce même point 3.
6. Il suit de là que, pour l’application des dispositions des articles 1728 et 1758 A du code général des impôts, citées au point 2, le montant des droits mis à la charge du contribuable ayant manqué à ses obligations déclaratives au titre de l’impôt sur le revenu, qui constitue l’assiette des sanctions instituées par ces dispositions, correspond au montant des droits dû tel que mentionné au rôle, sans déduction des éventuels acomptes et retenues déjà versés ».
Majorations d’impôt sur le revenu pour non-respect des délais de déclaration
En cas de dépôt tardif de sa déclaration de revenus, le contribuable s’expose aux majorations prévues à l’article 1758 A du CGI qui concernent spécifiquement l’impôt sur le revenu, à savoir :
- une majoration de 10 % en cas de dépôt tardif avant toute mise en demeure
- une majoration de 20 % en cas de dépôt tardif dans les 30 jours d’une mise en demeure
En l’absence de dépôt dans les 30 jours d’une mise en demeure, le contribuable s’expose également à la majoration de 40 % prévue à l’article 1728, 1, b du CGI.
Il est à noter que l’application de cette majoration de 40 % prévue à l’article 1728 du CGI fait obstacle à l’application des majorations prévues à l’article 1758 A du CGI. Ces majorations ne sont donc pas cumulables.
Inversement, l’application de la majoration de 10 % ou 20 % prévue à l’article 1758 A du CGI fait obstacle à l’application de la majoration de 10 % prévue à l’article 1728, 1, a du CGI (majoration applicable en cas de déclaration tardive avant mise en demeure ou dans les 30 jours d’une mise en demeure).
Assiette des majorations pour déclaration tardive en matière d’impôt sur le revenu
Dans sa décision précitée du 4 janvier 2024, le Conseil d’Etat a jugé que l’assiette des majorations d’impôt sur le revenu prévues aux articles 1758 A ou 1728 du CGI est égale aux droits mis à la charge du contribuable par le rôle, sans que soient déduites les sommes versées au titre du prélèvement à la source ou des anciens acomptes dits de tiers provisionnels.
La solution rendue par le Conseil d’Etat repose sur la lettre même du texte :
- de l’article 1728 du CGI qui dispose que l’assiette de la majoration est égale au « montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l’acte déposé tardivement».
- de l’article 1758 A du CGI qui dispose, quant à lui, que l’assiette de la majoration est égale aux « droits mis à la charge du contribuable»
En matière d’impôt sur le revenu, les droits mis à la charge du contribuable sont ceux résultant du rôle. Il est donc logique, pour le calcul de la majoration, de retenir comme assiette les droits résultant du rôle, sans déduction du prélèvement à la source ou des acomptes de tiers provisionnels, qui ne sont que des modalités de recouvrement.
Exemple :
Un contribuable déclare ses revenus dans les 30 jours d’une mise en demeure. Il est soumis à la majoration de 20 % prévue à l’article 1758 A du CGI.
Les droits résultant de la déclaration déposée tardivement s’élèvent à 10 000 €.
Le contribuable avait payé 6 000 € au titre du prélèvement à la source.
L’assiette de la majoration s’élève toutefois à 10 000 €, c’est-à-dire aux droits mis à la charge du contribuable par le rôle, sans déduction du prélèvement à la source.
La majoration est donc égale à 20 % x 10 000 € = 2 000 €.
Assiette des majorations pour déclaration tardive en matière de TVA
En matière de TVA, pour les redevables placés sous le régime simplifié, la jurisprudence du CE s’avère beaucoup plus favorable puisqu’elle admet, en cas de déclaration annuelle tardive, que la majoration soit calculée non sur le montant des droits résultant de cette déclaration annuelle mais sur ces droits après déduction des acomptes trimestriels déjà versés (CE 20 septembre 2019 De Val, req. n° 428750, publié aux Tables).
Pourquoi une telle solution aussi favorable au contribuable en matière de TVA ? La TVA n’étant pas recouvrée par voie de rôle, on considère que les droits résultant de la déclaration annuelle de TVA sont les droits dus après déduction des acomptes trimestriels. En cas de déclaration annuelle tardive, l’assiette de la majoration correspond donc à ce reliquat de TVA.
Exemple :
Un contribuable dépose tardivement sa déclaration annuelle de TVA. Il est soumis à la majoration de 10 % prévue à l’article 1728, 1, a du CGI.
Les droits résultant de la déclaration déposée tardivement s’élèvent à 10 000 €.
Le contribuable avait payé 6 000 € au titre des acomptes trimestriels.
L’assiette de la majoration s’élève à 4 000 €, c’est-à-dire aux droits mis à la charge du contribuable après déduction des acomptes trimestriels.
La majoration est donc égale à 10 % x 4 000 € = 400 €.