04 janvier 2024

Fiscalité des bijoux : la définition du bijou enfin donnée par le Conseil d’Etat

Me Grégory D'Angela

Fiscalité des bijoux : Qu’est-ce qu’un bijou pour l’application de la taxe forfaitaire sur les objets précieux (taxe forfaitaire sur les cessions ou exportations de métaux précieux, bijoux, objets d’art, de collection ou d’antiquité) ? Une montre de luxe ne comportant ni métaux précieux ni pierres précieuses peut-elle être qualifiée de bijou ?

Dans une décision « Société Paris Heure » du 12 décembre 2023 (CE 12 décembre 2023 Société Paris Heure, req. n° 470249, publié aux Tables), le Conseil d’Etat a éclairé la fiscalité des bijoux en donnant, pour la première fois, une définition de la notion de bijou. Selon la Haute juridiction administrative, le bijou s’entend d’un objet ouvragé, précieux par la matière ou par le travail, destiné à être porté à titre de parure, y compris lorsqu’il n’est pas composé de métaux précieux :

« 2. Aux termes du I de l’article 150 VI du code général des impôts : ” Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices professionnels, sont soumises à une taxe forfaitaire dans les conditions prévues aux articles 150 VJ à 150 VM les cessions à titre onéreux (…) : / 1° De métaux précieux ; / 2° De bijoux, d’objets d’art, de collection ou d’antiquité “. Les bijoux, au sens et pour l’application de ces dispositions, s’entendent des objets ouvragés, précieux par la matière ou par le travail, destinés à être portés à titre de parure, y compris lorsqu’ils ne sont pas composés de métaux précieux ».

Cette définition large englobe les montres de luxe qui doivent ainsi être regardées comme des bijoux quand bien même elles ne comporteraient ni métaux précieux ni pierres précieuses. En conséquence, l’opération de cession ou d’exportation d’une montre de luxe réalisée par un non professionnel doit, sauf cas d’exonération, être soumise à la taxe forfaitaire sur les objets précieux.

 

Taxe forfaitaire sur les objets précieux

Quels textes régissent la fiscalité des bijoux ? La taxe forfaitaire sur les cessions ou exportations de métaux précieux, bijoux, objets d’art, de collection ou d’antiquité est régie par les articles 150 VI à 150 VM du code général des impôts (CGI).

Cette taxe s’applique à un taux de :

  • 11 % sur les cessions ou exportations de métaux précieux (taux applicable depuis le 1er janvier 2018)
  • 6 % sur les cessions ou exportations de bijoux, objets d’art, de collection ou d’antiquité (taux applicable depuis le 1er janvier 2014)

Entrent dans le champ d’application de la taxe forfaitaire sur les objets précieux uniquement les opérations de cessions ou d’exportations réalisées par les non professionnels :

  • les particuliers, c’est-à-dire les personnes physiques n’agissant pas à titre professionnel
  • et les personnes morales non soumises aux impôts commerciaux

En ce qui concerne les cessions, seules les cessions à titre onéreux sont soumises à cette taxe. Il s’agit des ventes ainsi que des opérations d’échange ou d’apport. Les cessions à titre gratuit (donations ou successions), en revanche, n’y sont pas soumises.

Concernant le champ d’application territorial de la taxe forfaitaire sur les objets précieux, il est à noter que seules sont taxables :

  • les cessions à titre onéreux réalisées en France
  • et les exportations définitives hors de l’Union européenne

Par ailleurs, la loi exonère toutes les opérations dont le prix de cession (en cas de cession à titre onéreux) ou la valeur en douane (en cas d’exportation) est inférieure ou égale à 5 000 euros. La taxe forfaitaire sur les objets précieux ne s’applique donc qu’aux opérations dont le prix de cession ou la valeur en douane est supérieure à 5 000 euros.

Enfin, il est à noter également que sont exonérées les opérations pour lesquels le cédant ou l’exportateur a son domicile fiscal hors de France.

 

Montre de luxe et qualification de bijou

Dans sa décision précitée du 12 décembre 2023, le Conseil d’Etat définit le bijou comme un objet ouvragé, précieux par la matière ou par le travail, destiné à être porté à titre de parure, y compris lorsqu’il n’est pas composé de métaux précieux.

Une montre de luxe répond-elle à cette définition du bijou ?

A la lecture de la définition donnée par le Conseil d’Etat, il apparaît qu’un objet ne constitue un bijou que s’il répond à trois conditions.

Premièrement, il doit s’agir d’un objet ouvragé, c’est-à-dire un objet façonné par le travail. C’est bien évidemment le cas des montres de luxe.

Deuxièmement, il doit s’agir d’un objet précieux par la matière ou par le travail :

  • Un objet précieux par la matière s’entend d’un objet comportant des métaux précieux ou des pierres précieuses. Une montre incrustée de diamants constitue, par exemple, un objet précieux par la matière.
  • Cependant, même s’il ne comporte ni métaux précieux ni pierres précieuses, un objet peut être précieux par le travail, c’est-à-dire par l’originalité que lui confère le travail qui l’a façonné. Tel est le cas des montres de luxe qui doivent, de ce fait, être considérées comme des objets précieux quand bien même elles ne comporteraient ni métaux précieux ni pierres précieuses.

Troisièmement, il s’agit d’un objet destiné à être porté à titre de parure. La caractéristique d’une parure étant de mettre en valeur la personne qui la porte, une montre d’exception répond très certainement à cette condition. Bien sûr, on pourrait rétorquer qu’une montre de luxe constitue avant tout une montre et que, comme toute montre, son objet principal est de donner l’heure. Toutefois, on ne peut sérieusement contester le fait que la principale motivation de l’acheteur d’une montre de luxe n’est pas de savoir l’heure mais bien d’exhiber à son poignet un véritable bijou …

En conclusion, les montres de luxe répondent sans aucun doute à la définition large donnée par le Conseil d’Etat de la notion de bijou. Ceci étant, même si elle est large, cette définition du bijou n’a pour effet que de soumettre à la taxe forfaitaire sur les objets précieux les montres dont le prix excède 5 000 euros ; ce qui est loin d’être à la portée de toutes les bourses. En pratique, la fiscalité des bijoux ne s’en trouve donc pas véritablement bouleversée.

Commencez à taper et appuyez sur Entrée pour effectuer la recherche

Location de locaux nusMajorations d'impôt sur le revenu : calcul de l'assiette