Lorsqu’une société établie en France verse une commission à un prestataire de services établi dans un Etat à régime fiscal privilégié (comme les Seychelles), à quelles conditions cette commission est-elle déductible de ses résultats imposables à l’impôt sur les sociétés (ou à l’impôt sur le revenu) ?
La loi fiscale oblige la partie versante à apporter la preuve que « les dépenses correspondent à des opérations réelles » et qu’elles « ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré ».
En effet, l’article 238 A du code général des impôts (CGI) dispose que :
« Les intérêts, arrérages et autres produits des obligations, créances, dépôts et cautionnements, les redevances de cession ou concession de licences d’exploitation, de brevets d’invention, de marques de fabrique, procédés ou formules de fabrication et autres droits analogues ou les rémunérations de services, payés ou dus par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en France à des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France et y sont soumises à un régime fiscal privilégié, ne sont admis comme charges déductibles pour l’établissement de l’impôt que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu’elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré ».
Ceci étant, la partie versante n’aura l’obligation d’apporter une telle preuve que si l’administration fiscale a, au préalable, réussi à prouver que l’Etat en question est bien un Etat à régime fiscal privilégié.
Dans deux décisions récentes du 15 novembre 2021 (CE 15 novembre 2021 Nutreco France, req. n° 437812 ; CE 15 novembre 2021 Trouw France, req. n° 437813), le Conseil d’Etat a clairement rappelé la nécessité pour l’administration fiscale d’apporter cette preuve préalable, sans quoi l’article 238 A du CGI ne saurait être mise en œuvre :
« Dans le cas où l’administration doit être regardée, au vu de l’ensemble des éléments ainsi produits par les parties, comme ayant établi que le bénéficiaire n’est pas imposable ou est assujetti à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l’impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont il aurait été redevable dans les conditions de droit commun en France, il appartient au contribuable d’apporter la preuve que les dépenses en cause correspondent à des opérations réelles et ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré ».
Que doit prouver l’administration fiscale ?
Selon l’article 238 A du code général des impôts, « les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l’Etat ou le territoire considéré si elles n’y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de 40 % ou plus à celui de l’impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies ».
Afin de contester la qualification d’Etat à régime fiscal privilégié, la société ayant versé les rémunérations dont la déductibilité est contestée pourra, en ce qui la concerne, tenter de démontrer par exemple que l’activité exercée par le prestataire est imposée davantage dans l’Etat en question ce que prétend l’administration fiscale.
Pour ce faire, la société versante aura tout intérêt à être assistée par un avocat fiscaliste, ces questions fiscales pouvant s’avérer particulièrement complexes.