Bien qu’il soit une pénalité fiscale, l’intérêt de retard ne constitue pas une sanction fiscale, dans la mesure où il n’est pas destiné à sanctionner le comportement du contribuable mais seulement à indemniser le Trésor public pour le préjudice subi du fait de l’absence de paiement de l’impôt dans les délais légaux. Pour ce motif, le 1 du IV de l’article 1727 du code général des impôts (CGI) pose le principe selon lequel « l’intérêt de retard est calculé à compter du premier jour du mois suivant celui au cours duquel l’impôt devait être acquitté jusqu’au dernier jour du mois du paiement ».
Il est cependant dérogé à ce principe selon lequel l’intérêt de retard cesse d’être décompté le dernier jour du mois du paiement de l’impôt notamment lorsque l’administration fiscale fait application des majorations prévues à l’article 1729 du CGI en cas d’insuffisance de déclaration. En effet, dans ce cas, le 4 du IV de l’article 1727 du CGI dispose que « le décompte de l’intérêt de retard est arrêté au dernier jour du mois de la proposition de rectification … ».
Comment calculer l’intérêt de retard en présence de propositions de rectification successives destinées à corriger une insuffisance de déclaration ?
En présence de propositions de rectification successives corrigeant des insuffisances de déclaration portant sur un même exercice, les règles sont relativement simples. Lorsque la seconde proposition de rectification ne fait que confirmer ou réduire les rectifications résultant de la première proposition de rectification, le décompte des intérêts de retard est arrêté le dernier jour du mois de la première proposition de rectification (CE 17 décembre 2010 Marras, req. n° 316759, publié aux Tables).
Le décompte des intérêts de retard est, en revanche, plus difficile à appréhender lorsque les propositions de rectifications successives portent sur des exercices différents.
A titre liminaire, il est fait observer que lorsqu’une proposition de rectification se borne à réduire le déficit constaté au titre d’un exercice, le contribuable n’est redevable d’aucun impôt – et donc d’aucun intérêt de retard – au titre de cet exercice.
Mais si la réduction de ce déficit a pour effet, au titre d’un exercice ultérieur, de générer un résultat bénéficiaire, l’administration fiscale pourra notifier au contribuable une proposition de rectification afin de corriger les résultats déclarés au titre de cet exercice ultérieur. Dans ce cas, le contribuable devra payer à la fois de l’impôt et des intérêts de retard au titre de cet exercice ultérieur. Dans une décision « Elior Groupe » du 5 novembre 2021 (CE 5 novembre 2021 Elior Group, req. n° 431747, publié aux Tables), le Conseil d’Etat a précisé que le décompte des intérêts de retard doit être arrêté le dernier jour du mois de la proposition de rectification constatant l’existence du résultat bénéficiaire. Il ne saurait être arrêté le dernier jour du mois de la première proposition de rectification opérant la réduction du déficit.
Qu’en est-il en présence d’un groupe fiscalement intégré ?
Dans sa décision « Elior Groupe » du 5 novembre 2021, le Conseil d’Etat a eu à traiter de la situation suivante. Une première proposition de rectification corrige le résultat d’une filiale intégrée. A l’issue de cette proposition de rectification, le résultat d’ensemble du groupe reste déficitaire. Par la suite, une seconde proposition de rectification vient constater, du fait de la réduction du déficit d’ensemble, un bénéfice d’ensemble au titre d’un exercice ultérieur. La société tête de groupe doit alors payer de l’impôt et des intérêts de retard au titre de cet exercice ultérieur.
A quelle date doit être arrêté le décompte des intérêts de retard ? Là encore, le Conseil d’Etat a précisé que le décompte des intérêts de retard doit être arrêté le dernier jour du mois de la proposition de rectification constatant l’existence du résultat d’ensemble bénéficiaire. Il ne saurait être arrêté le dernier jour du mois de la première proposition de rectification opérant la réduction du déficit de la filiale intégrée.
La décision « Elior Groupe » du 5 novembre 2021 n’est pas favorable au contribuable mais trouve néanmoins sa logique dans le fait qu’il ne saurait y avoir d’intérêt de retard sans impôt dû.