Les revenus retirés par une société française d’une activité de maintenance de logiciels réalisée au Maroc constituent-ils une redevance ou la rémunération d’une prestation de services au sens de la convention fiscale franco-marocaine du 29 mai 1970 ?
Dans une décision très récente du 18 juin 2021 (CE 18 juin 2021 Société Sopra Steria Group, req. n° 433315, publié aux Tables), le Conseil d’Etat a écarté la qualification de redevance au profit de celle de rémunération d’une prestation de services.
Les redevances et les rémunérations de prestations de services n’étant pas soumises au même régime fiscal, il est important de pouvoir distinguer ces deux catégories de revenus.
Les enjeux fiscaux
Les redevances :
Il résulte de l’article 16 de la convention fiscale franco-marocaine du 29 mai 1970 qu’une redevance payée par un résident fiscal marocain à un résident fiscal français est imposable en France. Toutefois, le Maroc peut soumettre cette redevance à une retenue à la source.
Dans ce cas, afin d’éliminer la double imposition, l’article 25 de la convention fiscale franco-marocaine prévoit que la France doit accorder au bénéficiaire de la redevance, qui est soumis à l’impôt en France à raison de cette redevance, une réduction d’impôt égale au montant de la retenue à la source opérée par le Maroc.
La rémunération des prestations de services :
Pour la rémunération des prestations de services, les règles sont plus simples. En effet, l’article 23 de la convention fiscale franco-marocaine stipule qu’une telle rémunération « n’est imposable que dans l’Etat contractant du domicile fiscal du bénéficiaire, à moins que ces revenus ne se rattachent à l’activité d’un établissement stable que ce bénéficiaire posséderait dans l’autre Etat contractant ».
Autrement dit, la somme versée par un résident fiscal marocain à un résident fiscal français en rémunération d’une prestation de services n’est imposable qu’en France, à moins qu’elle ne se rattache à un établissement stable que le résident fiscal français possède au Maroc.
L’impossible qualification de redevance
Dans une décision très récente du 18 juin 2021 (CE 18 juin 2021 Société Sopra Steria Group, req. n° 433315, publié aux Tables), le Conseil d’Etat a écarté, s’agissant de la maintenance de logiciels, la qualification de redevance au profit de celle de rémunération d’une prestation de services.
En l’espèce, la société requérante, établie en France, avait réalisé au Maroc des prestations de maintenance de logiciels. Auparavant, elle avait consenti à ses clients marocains des licences pour l’utilisation de ces logiciels.
Le Maroc avait appliqué une retenue à la source sur les rémunérations versées pour la maintenance des logiciels par les clients marocains à la société établie en France. Cette dernière a alors imputé sur l’impôt sur les sociétés dû à raison de ces rémunérations une somme égale à la retenue à la source payée au Maroc. A la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a remis en cause cette imputation au motif que les rémunérations afférentes aux opérations de maintenance ne constituaient pas des redevances.
Pourquoi le Conseil d’Etat a-t-il dans sa décision précitée du 18 juin 2021 refusé, lui aussi, la qualification de redevance ?
D’un point de vue technique et économique, les licences consenties aux clients marocains pour l’utilisation des logiciels étaient étroitement liées aux prestations de maintenance.
D’un point de vue juridique, elles s’en distinguaient en revanche très nettement. A cet égard, le Conseil d’Etat a relevé notamment que les clients marocains qui achetaient le droit d’utiliser le logiciel n’étaient nullement tenus de recourir aux prestations de maintenance. Il a noté également que ces deux types de prestations faisaient l’objet d’une facturation séparée.
Dans ces conditions, si la rémunération versée pour l’utilisation du logiciel constituait une redevance, tel n’est pas le cas de la rémunération versée pour sa maintenance.