31 octobre 2021

Plus-value de cession de valeurs mobilières en report d’imposition

Me Grégory D'Angela

Une plus-value de cession de valeurs mobilières pouvait, sous certaines conditions, être placée en report d’imposition sur le fondement de l’ancien article 150-0 D bis du code général des impôts aujourd’hui abrogé. Le cédant des titres devait, notamment, respecter une condition de réinvestissement du « produit de la cession ». Comment calculer le montant du réinvestissement à opérer lorsque le cédant bénéficiait de l’abattement pour durée de détention prévue à l’article 150-0 D du code général des impôts ? Devait-on prendre en compte cet abattement ou non ?

Dans une décision très récente du 20 octobre 2021 (CE 20 octobre 2021, req. n° 453860, publié aux Tables), le Conseil d’Etat a répondu par la négative :

« Les abattements pour durée de détention prévus à l’article 150-0 D du code général des impôts ont pour seul objet de déterminer la fraction de la plus-value soumise à l’impôt sur le revenu et demeurent sans incidence sur les modalités de mise en oeuvre du report d’imposition prévu par l’article 150-0 D bis du même code. Par suite, le seuil de réinvestissement auquel le 3° du II de l’article 150-0 D bis du CGI subordonne son bénéfice est égal à 50 % du montant de la plus-value, net de prélèvements sociaux, calculé avant application des abattements pour durée de détention prévus à l’article 150-0 D du même code ».

Le raisonnement suivi par les juges du Palais Royal ne souffre, selon nous, aucune contestation.

Le II de l’article 150-0 D bis du code général des impôts (CGI) disposait que :

« 3° Le report d’imposition est, en outre, subordonné au respect des conditions suivantes : a) Le cédant prend l’engagement d’investir le produit de la cession des titres ou droits, dans un délai de vingt-quatre mois et à hauteur d’au moins 50 % du montant de la plus-value net des prélèvements sociaux, dans la souscription en numéraire au capital initial ou à l’augmentation de capital d’une ou de plusieurs sociétés »

Au cas présent, les titres en litige avaient été acquis en 2003 et 2004. Ils ont été cédés le 24 juillet 2013, générant une plus-value avant abattement de 5 289 669 €.

Le cédant avait été assujetti à raison de cette plus-value aux prélèvements sociaux au taux de 15,5 %, soit un montant de 819 898 €.

S’agissant de l’impôt sur le revenu, compte tenu du fait que la durée de détention des titres excédait 8 ans, le cédant pouvait bénéficier, sur le fondement de l’article 150-0 D du CGI, d’un abattement de 85 %, soit 4 496 218 €. La plus-value après abattement s’établissait ainsi à 793 451 €.

Le cédant avait sollicité le report d’imposition de cette plus-value sur le fondement de l’article 150-0 D bis du CGI. Afin de bénéficier de ce report d’imposition, il avait réalisé, dans les 2 ans à compter de la cession, un réinvestissement d’un million d’euros (apport de 55 000 € à une société puis souscription à l’augmentation de capital de cette société à hauteur de 945 000 €).

Ce réinvestissement d’un million d’euros était-il suffisant pour bénéficier du report d’imposition ?

Le cédant considérait, à tort, que le montant du réinvestissement devait être égal au minimum à 50 % du montant de la plus-value imposable, soit 50 % x 793 451 € = 396 726 €.

Cette analyse était erronée pour deux motifs.

Premièrement, l’article 150-0 D bis disposait que le montant du réinvestissement devait être « d’au moins 50 % du montant de la plus-value net des prélèvements sociaux ». Il fallait donc impérativement retirer le montant des prélèvements sociaux de la base de calcul du réinvestissement. Si l’on suit le raisonnement du contribuable, le montant du réinvestissement aurait ainsi été égal à 50 % x (793 451 € – 819 898 €) ; ce qui donne un montant négatif ! La condition tenant au réinvestissement aurait été purement et simplement annihilée ; ce qui va manifestement à l’encontre de la volonté du législateur.

Deuxièmement, l’article 150-0 D bis disposait que « le cédant prend l’engagement d’investir le produit de la cession des titres » ; ce qui sous-entend clairement que le cédant devait réinvestir le montant brut de la plus-value – et non son montant imposable après abattement – duquel il convenait de déduire le montant des prélèvements sociaux.

Au cas présent, le montant à réinvestir devait ainsi être égal à 50 % x (5 289 669 € – 819 898 €) = 2 234 885 €. Le réinvestissement d’un million d’euros opéré par le cédant était donc insuffisant ; ce qui autorisait l’administration fiscale à remettre en cause le report d’imposition de la plus-value imposable de 793 451 €.

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