06 avril 2021

La possible assimilation d’une corporation du Delaware à une SAS

Me Grégory D'Angela

Selon le 1 de l’article 206 du code général des impôts, sont passibles de l’impôt sur les sociétés, notamment, les sociétés anonymes (auxquelles sont assimilées les SAS), les sociétés en commandite par actions et les sociétés à responsabilité limitée n’ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes, et ce quel que soit leur objet.

Une « corporation » dont le siège est situé dans l’Etat du Delaware (Etats-Unis) peut-elle être assimilée à l’un de ces types de sociétés de capitaux françaises, assujetties à l’impôt sur les sociétés ?

Dans une décision du 2 avril 2021, le Conseil d’Etat a indiqué qu’une « corporation » située dans le Delaware est assimilable à une société de capitaux, sauf si le « certificate of incorporation » soumet les associés de la « corporation » à une responsabilité financière illimitée (CE 2 avril 2021 Société World Investment Corporation, req. n° 427880, publié aux Tables).

Comment les juges du Palais Royal en sont-ils arrivés à cette conclusion ?

Il y a lieu de rappeler que le droit américain distingue les « corporations » des « partnerships ».

La doctrine considère que les « corporations » sont en principe assimilables à nos sociétés de capitaux (SA, SAS, SCA, SARL) alors que les « partnerships » sont, quant à eux, assimilables en principe à nos sociétés de personnes (SCI, SCP …).

Le fait qu’une société de droit américain soit dénommée « corporation » n’est cependant pas suffisant pour l’assimiler à nos sociétés de capitaux et lui appliquer les dispositions de l’article 206 du code général des impôts.

En effet, comme l’a rappelé le Conseil d’Etat dans sa décision du 2 avril, « il appartient au juge de l’impôt, saisi d’un litige portant sur le traitement fiscal d’une opération impliquant une société de droit étranger, d’identifier d’abord, au regard de l’ensemble des caractéristiques de cette société et du droit qui en régit la constitution et le fonctionnement, le type de société de droit français auquel la société de droit étranger est assimilable ».

Ainsi, seule une analyse approfondie des règles de droit étranger auxquelles est soumise la « corporation » en cause peut permettre de l’assimiler à nos sociétés de capitaux. Lorsque les associés de la « corporation » sont soumis à une responsabilité financière limitée à leurs apports, la « corporation » est assimilable à nos sociétés de capitaux ; dans le cas contraire, elle est assimilable à nos sociétés de personnes.

S’agissant du Delaware, la loi dispose que sauf mention contraire du « certificate of incorporation », les associés de la « corporation » ne peuvent être tenus au paiement des dettes de la société que dans l’hypothèse où ils sont rendus responsables du fait de leurs agissements personnels. Autrement dit, sauf mention contraire des statuts, la responsabilité financière des associés de la « corporation » est en principe limitée à leurs apports.

Il en résulte que dans l’Etat du Delaware, une « corporation » est, sauf stipulation contraire des statuts, une société à risque limité qui, de ce fait, est assimilable aux sociétés de capitaux françaises.

En conclusion, il apparaît très clairement que seule une lecture attentive des statuts de la « corporation » peut permettre de déterminer si elle constitue une société à risque limité, assimilable à une société de capitaux, ou une société à risque illimité, assimilable à une société de personnes.

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