25 octobre 2020

Régime fiscal des impatriés : conditions d’exonération des revenus passifs

Me Grégory D'Angela

Un salarié qui entre dans le champ d’application du régime fiscal des impatriés prévu à l’article 155 B du code général des impôts (CGI) peut-il bénéficier de l’exonération à hauteur de 50 % de ses revenus dits passifs lorsqu’il ne bénéficie pas d’une prime d’impatriation exonérée ou d’une rémunération exonérée relative à une activité exercée à l’étranger pour le compte de son employeur français ?

Dans sa décision très récente du 21 octobre 2020 (CE 21 octobre 2020, req. n° 442799, publié aux Tables), le Conseil d’Etat a donné une réponse positive ; ce qui l’a conduit à annuler les commentaires publiés au bulletin officiel des finances publiques – impôts (BOFIP – impôts) par lesquels l’administration fiscale refusait dans cette situation le bénéfice de l’exonération de 50 % sur les revenus dits passifs.

 

Les commentaires publiés au BOFIP

L’administration fiscale avait affirmé dans ses paragraphes n° 80 et 90 des commentaires administratifs publiés le 12 septembre 2012 au BOFIP – impôts sous la référence BOI-RSA-GEO-40-10-30-10 :

« 80
L’exonération d’impôt sur le revenu à hauteur de 50 % de certains « revenus passifs » ainsi que de certaines plus-values de cession de titres s’applique aux personnes physiques impatriées qui perçoivent effectivement des éléments de rémunération liés à leur activité professionnelle pour lesquels elles bénéficient de l’exonération d’impôt sur le revenu prévue au I de l’article 155 B du CGI (supplément de rémunération directement lié à l’exercice d’une activité professionnelle en France et/oupart de rémunération se rapportant à l’activité exercée à l’étranger ; sur ces points, il convient de se reporter au BOI-RSA-GEO-40-10-20).

Cela étant, il est admis que cette exonération s’applique également lorsque la personne physique impatriée a perçu une prime d’impatriation qui n’est pas exonérée d’impôt sur le revenu du seul fait de la limite prévue au dernier alinéa du 1 du I de l’article 155 B du CGI (BOI-RSA-GEO-40-10-20 au I-A-4 § 110 et suiv.) ».

« 90
Lorsqu’au cours de l’une des années d’application du régime spécial d’imposition des impatriés prévu au I de l’article 155 B du CGI, la personne physique impatriée ne perçoit aucun des éléments de rémunération liés à son activité professionnelle cités au premier alinéa du II-B § 80, elle ne peut pas prétendre, au titre de l’année concernée, au bénéfice de l’exonération de 50 % d’impôt sur le revenu sur certains de ses « revenus passifs » et certaines de ses plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux, telle que prévue au II de l’article 155 B du CGI.

Dans cette situation, ces revenus et plus-values sont imposables à l’impôt sur le revenu dans les conditions de droit commun ».

Selon l’administration fiscale, un salarié qui entre dans le champ d’application du régime fiscal des impatriés prévu à l’article 155 B du CGI ne peut bénéficier de l’exonération à hauteur de 50 % de ses revenus dits passifs que s’il bénéficie effectivement d’une prime d’impatriation exonérée ou d’une rémunération exonérée relative à une activité exercée à l’étranger pour le compte de son employeur français.

 

L’illégalité des commentaires publiés au BOFIP

L’exonération à hauteur de 50 % des revenus passifs est prévue au paragraphe II de l’article 155 B du CGI qui dispose que :

« Les salariés et personnes mentionnés au I sont, pendant la durée où ils bénéficient des dispositions du même I, exonérés d’impôt à hauteur de 50 % du montant des revenus suivants … ».

Que doit-on entendre par salarié « bénéficiant des dispositions du I » ? S’agit-il de l’ensemble des salariés entrant dans le champ d’application du régime fiscal des impatriés ? Ou bien s’agit-il uniquement, comme l’indique l’administration fiscale au BOFIP, des salariés bénéficiant « effectivement » de l’exonération prévue au I, c’est-à-dire de l’exonération portant sur la prime d’impatriation et la rémunération relative à une activité exercée à l’étranger pour le compte de l’employeur français ?

Dans sa décision précitée du 21 octobre 2020, le Conseil d’Etat a tranché en faveur de la première solution après avoir constaté, à la lecture des travaux préparatoires de la loi, que la volonté du législateur allait en ce sens :

« Il résulte de l’article 155 B du CGI que bénéficient de l’exonération partielle d’impôt sur le revenu à raison des revenus et plus-values de cession mentionnés au II de cet article les personnes qui satisfont aux conditions auxquelles le I subordonne le bénéfice de l’exonération partielle de rémunération d’activité qu’il prévoit.

Si le premier alinéa du II de l’article 155 B dispose que l’exonération qu’il prévoit s’applique aux salariés et personnes mentionnés au I “pendant la durée où ils bénéficient des dispositions du même I”, ces dispositions, eu égard à l’objectif poursuivi par le législateur, n’ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de subordonner leur application à la condition que le contribuable bénéficie effectivement, à raison de la rémunération d’activité qu’il perçoit de l’entreprise qui l’a appelé de l’étranger, de l’exonération prévue au I, mais se bornent à prévoir, par renvoi aux dispositions du I, que l’exonération prévue au II s’applique, dans la version du texte applicable au litige, jusqu’au 31 décembre de la cinquième année civile suivant la prise de fonctions des salariés et dirigeants “impatriés” ».

En conséquence, la Haute juridiction administrative a annulé les paragraphes n° 80 et 90 des commentaires administratifs publiés le 12 septembre 2012 au BOFIP – impôts sous la référence BOI-RSA-GEO-40-10-30-10 au motif qu’ils violent les dispositions précitées du II de l’article 155 B du CGI.

On ne peut que se féliciter d’une telle décision qui est incontestablement favorable au contribuable.

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