Vente de sushis frais : Quel est le taux de TVA applicable à la vente à emporter (ou à livrer) de sushis frais ?
S’agit-il du taux de TVA de 5,5 % applicable à la vente de « denrées alimentaires destinées à la consommation humaine » ? Ou bien du taux de TVA de 10 % applicable à la vente à emporter (ou à livrer) de « produits alimentaires préparés en vue d’une consommation immédiate » ?
Dans une décision « Société Sushi Saint Cloud » rendue le 18 juin 2024 (CE 18 juin 2024 Société Sushi Saint Cloud, req. n° 476093, publié aux Tables), le Conseil d’Etat a jugé que la vente à emporter ou à livrer de sushis frais relève du taux de TVA de 10 %, et ce que le lieu de vente soit un restaurant ou une grande surface :
« 3. … Les sushis frais, quel que soit leur conditionnement ou leur lieu d’achat, doivent être regardés comme des produits préparés en vue d’une consommation immédiate.
4. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu’en jugeant que les sushis vendus par la société requérante devaient être regardés comme des produits préparés en vue d’une consommation immédiate et qu’à ce titre, leur vente relevait du taux intermédiaire de taxe sur la valeur ajoutée de 10 %, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, n’a pas commis d’erreur de droit ni inexactement qualifié les faits de l’espèce».
Notion de produits alimentaires préparés en vue d’une consommation immédiate
L’article 279 du code général des impôts (CGI) dispose que :
« La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 10 % en ce qui concerne :
n. Les ventes à emporter ou à livrer de produits alimentaires préparés en vue d’une consommation immédiate, à l’exclusion de celles relatives aux boissons alcooliques qui relèvent du taux prévu à l’article 278».
En vertu de ce texte, la vente à emporter (ou à livrer) de « produits alimentaires préparés en vue d’une consommation immédiate » est soumise au taux intermédiaire de TVA de 10 %.
Dans une décision du 28 décembre 2011 (CC 28 décembre 2011 Loi de finances rectificative pour 2011, n° 2011-645 DC), le Conseil constitutionnel a précisé « qu’en faisant référence aux produits destinés à la « consommation immédiate », le législateur a entendu faire référence aux produits dont la nature, le conditionnement ou la présentation induisent leur consommation dès l’achat ».
Dans sa décision « Société Sushi Saint Cloud » précitée du 18 juin 2024, le Conseil d’Etat a repris cette définition des « produits alimentaires préparés en vue d’une consommation immédiate » en jugeant qu’il s’agit de produits dont la nature, le conditionnement ou la présentation induisent leur consommation dès l’achat.
Application à la vente à emporter ou à livrer de sushis frais
Deux points ne posent aucune difficulté :
- La vente à consommer sur place de sushis frais relève du taux intermédiaire de TVA de 10 % (article 279, m. du CGI)
- La vente de sushis surgelés, dès lors qu’il ne peut y avoir de consommation immédiate, relève du taux de TVA de 5,5 % applicable à la vente de « denrées alimentaires destinées à la consommation humaine» (article 278-0 bis du CGI).
Quid de la vente à emporter ou à livrer de sushis frais ?
L’analyse des habitudes de consommation du sushi montre qu’il a vocation à être consommé immédiatement après l’achat, que celui-ci ait lieu dans un restaurant ou dans une grande surface, et qu’il soit vendu ou non avec des baguettes. En effet, bien que cela soit possible, le sushi n’a pas pour vocation d’être conservé plusieurs jours au réfrigérateur.
Le sushi est donc bien un produit dont la nature induit sa consommation dès l’achat.
Est-ce que son conditionnement pourrait conduire à une solution différente ? Assurément non car les barquettes utilisées pour conditionner les sushis ont uniquement pour but de faciliter leur transport et non d’augmenter leur durée de conservation.
Le Conseil d’Etat en a déduit logiquement que le sushi frais répond à la qualification de « produit alimentaire préparé en vue d’une consommation immédiate ». Par suite, la vente à emporter ou à livrer de sushis frais relève du taux intermédiaire de TVA de 10 %.
Modification du BOFIP relatif au taux de TVA applicable à la vente de sushis frais
Afin de tenir compte de la décision « Société Sushi Saint Cloud » précitée du 18 juin 2024, l’administration fiscale a modifié les dispositions du BOFIP (bulletin officiel des finances publiques) relatives au taux de TVA applicable à la vente de sushis frais.
Le 21 août 2024, elle a indiqué que « les sushis frais, quel que soit leur conditionnement ou leur lieu d’achat, doivent être regardés comme des produits préparés en vue d’une consommation immédiate, et leur vente relève ainsi du taux réduit de 10 % de la TVA (CE, décision du 18 juin 2024, n° 476093) » (BOI-TVA-LIQ-30-10-10-21/08/2024).
Elle a précisé que les makis suivent le même régime fiscal que les sushis : « Remarque : Cette analyse est transposable au cas des makis frais ».
Enfin, l’administration a rapporté sa précédente doctrine admettant que « le taux réduit de 5,5 % s’applique à la vente à emporter, par un intermédiaire à la vente (grande surface) agissant en son nom propre pour le compte d’un commettant, de sushis et makis frais fabriqués et conditionnés par le commettant, lequel dispose dans cette grande surface d’un espace de fabrication et de présentation à la vente sans possibilité de consommation sur place » (ancien BOI-TVA-LIQ-30-10-10-29/06/2022, abrogé à compter du 30 septembre 2024). Désormais, c’est le taux de TVA de 10 % qui s’applique dans tous les cas.