Un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), qui a la forme d’une personne morale de droit public, répond-il à la qualification d’assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu’il offre à ses patients des prestations hôtelières ?
Dans une décision « Résidence des Prés » du 7 avril 2023 (CE 7 avril 2023 EHPAD Résidence des Prés, req. n° 463222, publié aux Tables), le Conseil d’Etat a répondu par la négative aux motifs qu’un EHPAD public offrant des prestations hôtelières, d’une part, agit en tant qu’autorité publique et, d’autre part, ne crée pas de distorsion de concurrence avec les opérateurs privés exerçant la même activité.
Les conditions de non assujettissement à la TVA des personnes publiques
L’article 13 de la Directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose que :
« 1. Les États, les régions, les départements, les communes et les autres organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu’ils accomplissent en tant qu’autorités publiques, même lorsque, à l’occasion de ces activités ou opérations, ils perçoivent des droits, redevances, cotisations ou rétributions.
Toutefois, lorsqu’ils effectuent de telles activités ou opérations, ils doivent être considérés comme des assujettis pour ces activités ou opérations dans la mesure où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d’une certaine importance ».
Cet article a été transposé en droit français par l’article 256 B du code général des impôts (CGI) :
« Les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l’activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non-assujettissement n’entraîne pas de distorsions dans les conditions de la concurrence ».
Le Conseil d’Etat a précisé qu’il résulte de l’article 13 de la directive TVA, telle qu’interprétée par la Cour de Justice de l’Union européenne, que deux conditions doivent être cumulativement réunies pour qu’une personne publique ne soit pas assujettie à la TVA alors même qu’elle exerce une activité de nature économique :
- premièrement, elle doit agir en tant qu’autorité publique
- deuxièmement, le non-assujettissement de la TVA ne doit pas conduire à des distorsions de concurrence d’une certaine importance
Cf. notamment : CE 28 mai 2021, Commune de Castelnaudary, req. n° 442378, publié au recueil ; CE 28 mai 2021, Commune de Sarlat-La-Caneda, req. n° 441739, publié au recueil.
Application aux EHPAD publics offrant des prestations hôtelières
Une activité exercée en tant qu’autorité publique :
Dans sa décision « Résidence des Prés » du 7 avril 2023, le Conseil d’Etat a jugé, en premier lieu, qu’un EHPAD public offrant à ses patients des prestations hôtelières agit en tant qu’autorité publique :
« 8. Par les dispositions de l’article 256 B du code général des impôts citées au point 4, la France a fait usage de la possibilité ouverte par le 2 de l’article 13 de la directive du 28 novembre 2006 cité au point 3 lu en combinaison avec le g du 1 de l’article 132 de cette même directive, de regarder comme une activité effectuée en tant qu’autorité publique le service social d’hébergement des personnes âgées dans des structures publiques. Par suite, en jugeant que l’activité de l’EHPAD Résidence des Prés était exercée, en ce qui concerne l’ensemble des prestations hôtelières, par un organisme agissant en tant qu’autorité publique, la cour administrative d’appel de Nantes n’a pas commis d’erreur de droit ».
Une activité ne créant pas de distorsion de concurrence :
Dans sa décision « Résidence des Prés » du 7 avril 2023, le Conseil d’Etat a jugé, en second lieu, qu’un EHPAD public offrant à ses patients des prestations hôtelières ne crée pas de distorsion de concurrence avec les opérateurs privés exerçant la même activité :
« 10. Eu égard au caractère social des EHPAD publics, qui sont habilités à accueillir entièrement ou principalement des personnes âgées à faibles ressources et qui, par suite, sont soumis en principe à une tarification administrée de leurs prestations relatives à l’hébergement de celles-ci, un opérateur privé exerçant cette activité à titre lucratif, libre de choisir sa clientèle et, par suite, de fixer ses tarifs en conséquence, ne saurait être empêché d’entrer sur le marché en cause ou y subir un désavantage du seul fait de son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée qui lui permet, à la différence d’un opérateur public placé hors du champ de celle-ci, d’obtenir le remboursement de l’excédent de la taxe ayant grevé ses charges sur celle dont il est redevable à raison de ses recettes. Par ailleurs, cette même activité exercée sans but lucratif par un opérateur privé est exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu du b du 1° du 7 de l’article 261 du code général des impôts cité au point 4. Par suite, en jugeant, par une décision suffisamment motivée, que le non-assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée de l’EHPAD Résidence des Près, dont il n’est pas contesté qu’il est habilité à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale à l’hébergement pour la totalité des places qu’il offre, n’était pas susceptible de générer de distorsion dans les conditions de la concurrence au sens et pour l’application de l’article 256 B du code général des impôts, lu à la lumière des dispositions de la directive du 28 novembre 2006 qu’il a pour objet de transposer, la cour, qui n’avait pas à examiner si le non-assujettissement de l’EHPAD à la taxe sur la valeur ajoutée était susceptible de le désavantager ni à prendre en compte le nombre de résidents effectivement bénéficiaires de l’aide sociale à l’hébergement, n’a pas commis d’erreur de droit ».
La Haute juridiction administrative en a logiquement déduit qu’un EHPAD public offrant des prestations hôtelières n’a pas la qualité d’assujetti à la TVA et doit, en conséquence, être assujetti à la taxe sur les salaires.