14 avril 2023

Fiscalité France Italie : dividendes de source italienne et régime mère fille

Me Grégory D'Angela

Comment calculer le crédit d’impôt conventionnel dont bénéficie une société française percevant des dividendes de source italienne éligibles au régime mère fille ?

Dans une décision « Raymond et Cie » du 7 avril 2023 (CE 7 avril 2023 Société Raymond et Cie, req. n° 462709, publié aux Tables), le Conseil d’Etat a jugé que :

  • Lorsque le montant des frais afférents aux dividendes perçus est inférieur à la quote-part forfaitaire de frais et charges de 5 %, l’imposition de cette quote-part correspond à l’imposition d’une fraction des dividendes de source italienne, si bien que la société française peut imputer le crédit d’impôt conventionnel dont elle bénéficie sur cet impôt français afférent à ces dividendes.
  • Le crédit d’impôt conventionnel est égal à l’impôt payé en Italie dans la limite de l’impôt français afférent aux dividendes de source italienne (règle du butoir), lequel est égal au produit du taux de l’impôt français et de la différence entre la quote-part forfaitaire et le montant des frais réellement exposés 

 

Données du litige fiscal

La société Raymond et Cie, établie en France, a perçu des dividendes de sa filiale établie en Italie. Ces dividendes de source italienne étant éligibles au régime mère fille prévu à l’article 216 du code général des impôts (CGI), la société française les a déduits extra comptablement de ses bénéfices imposables des exercices 2010 à 2012, à l’exception d’une quote-part de frais et charges de 5 %.

La société Raymond et Cie a également imputé sur l’impôt sur les sociétés dû au titre des exercices 2010 à 2012 les crédits d’impôts prévus par la convention fiscale franco-italienne correspondant aux retenues à la source opérées en Italie sur les dividendes.

A la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale française a remis en cause l’imputation par la société française de ces retenues à la source et lui a, en conséquence, notifié des rappels d’impôt sur les sociétés.

 

Sur la convention fiscale France Italie du 5 octobre 1989

L’article 24 de la convention fiscale franco-italienne du 5 octobre 1989 en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales stipule que :

« La double imposition est évitée de la manière suivante :

1. Dans le cas de la France :

a) Les bénéfices et autres revenus positifs qui proviennent d’Italie et qui y sont imposables conformément aux dispositions de la Convention, sont également imposables en France lorsqu’ils reviennent à un résident de France. L’impôt italien n’est pas déductible pour le calcul du revenu imposable en France. Mais le bénéficiaire a droit à un crédit d’impôt imputable sur l’impôt français dans la base duquel ces revenus sont compris. Ce crédit d’impôt est égal :

– pour les revenus visés aux articles 10, 11, 12, 16 et 17 et au paragraphe 8 du Protocole annexé à la Convention au montant de l’impôt payé en Italie, conformément aux dispositions de ces articles. Il ne peut toutefois excéder le montant de l’impôt français correspondant à ces revenus ».

Ces stipulations confèrent aux résidents fiscaux de France percevant des dividendes de source italienne le droit de bénéficier d’un crédit d’impôt imputable sur l’impôt français égal à l’impôt payé en Italie (retenue à la source) dans la limite de l’impôt français afférent aux dividendes de source italienne (règle du butoir).

 

Sur le calcul du crédit d’impôt conventionnel en cas de régime mère fille

Le rappel de la jurisprudence « Axa » :

Dans sa décision « Axa » du 5 juillet 2022 (CE 5 juillet 2022 Axa, req. n° 463021, publié aux Tables), le Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion de préciser que lorsque le montant des frais afférents aux dividendes perçus, c’est-à-dire des frais exposés pour l’acquisition ou la conservation des titres générant ces dividendes, est inférieur à la quote-part forfaitaire de frais et charges de 5 %, l’imposition de cette quote-part représente l’imposition d’une fraction des dividendes.

Dans sa décision du 7 avril 2023 (CE 7 avril 2023 Société Raymond et Cie, req. n° 462709, publié aux Tables), la Haute juridiction administrative a rappelé ce principe :

« 5. Compte tenu du caractère forfaitaire de la quote-part des produits de participations qu’une société mère doit réintégrer à son bénéfice en application du I de l’article 216 du code général des impôts, sans possibilité pour cette dernière de limiter cette réintégration au montant réel des frais et charges de toute nature exposés par elle au cours de la période d’imposition en vue de l’acquisition ou la conservation des revenus correspondants, les dispositions citées au point 2 doivent être regardées non comme ayant pour seul objet de neutraliser la déduction, opérée au titre de ses frais généraux, des charges afférentes aux titres de participation dont les produits sont exonérés d’impôt sur les sociétés, mais comme visant à soumettre à cet impôt, lorsque le montant des frais est inférieur à cette quote-part forfaitaire, une fraction des produits de participations bénéficiant du régime des sociétés mères ».

La conséquence du principe dégagé dans la jurisprudence « Axa », et rappelé par la jurisprudence « Raymond et Cie », est que lorsque le montant des frais afférents aux dividendes perçus est inférieur à la quote-part forfaitaire de frais et charges de 5 %, l’imposition de cette quote-part correspond à l’imposition d’une fraction des dividendes de source étrangère, si bien que la société française peut imputer le crédit d’impôt conventionnel dont elle bénéficie sur cet impôt français afférent à ces dividendes.

L’application de la jurisprudence « Axa » : 

Comment calculer l’impôt français afférent aux dividendes de source étrangère ?

Dans sa décision « Raymond et Cie » du 7 avril 2023, le Conseil d’Etat a précisé que l’impôt français afférent aux dividendes de source étrangère est égal au produit du taux de l’impôt français et de la différence entre la quote-part forfaitaire et le montant des frais réellement exposés :

« 6. Dans l’hypothèse où il est établi que le montant des frais réellement exposés pour l’acquisition ou la conservation des produits de participations est inférieur à la quote-part forfaitaire, l’impôt français dans la limite duquel est imputé le crédit d’impôt correspondant à l’impôt retenu à l’étranger sur la totalité des produits de participations distribués est égal au produit du taux de l’impôt français et de la différence entre la quote-part forfaitaire et le montant des frais réellement exposés ».

Impôt français = taux de l’impôt français x (QP forfaitaire – montant réel des frais) 

S’agissant de la convention fiscale franco-italienne, cela permet ainsi à une société française percevant des dividendes de source italienne de bénéficier d’un crédit d’impôt conventionnel égal à l’impôt payé en Italie dans la limite de l’impôt français afférent aux dividendes de source italienne, lequel est égal au produit du taux de l’impôt français et de la différence entre la quote-part forfaitaire et le montant des frais réellement exposés.

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