07 avril 2023

Taxe sur les salaires : importantes précisions sur les redevables de la taxe

Me Grégory D'Angela

Une entreprise peut-elle être soumise à la taxe sur les salaires au titre de l’année du paiement des rémunérations accordées à ses salariés lorsqu’elle a été assujettie cette année-là à la TVA sur la totalité de son chiffre d’affaires ?

Dans une importante décision « Legris Industrie » du 31 mars 2023 (CE 31 mars 2023 SA Legris Industrie, req. n° 460838, publié aux Tables), le Conseil d’Etat a précisé qu’une telle entreprise doit effectivement être soumise à la taxe sur les salaires lorsqu’elle a été assujettie l’année précédant celle du paiement des rémunérations à la TVA sur moins de 90 % de son chiffre d’affaires.

Désormais, il ne suffit donc plus pour échapper à la taxe sur les salaires d’être assujetti à la TVA sur la totalité de son chiffre d’affaires l’année du paiement des rémunérations. Encore faut-il, en outre, avoir été assujetti à la TVA sur au moins 90 % de son chiffre d’affaires l’année précédant celle du paiement :

« Il en résulte inversement que, pour ne pas être redevable de la taxe sur les salaires au titre des rémunérations payées au cours d’une année civile, une personne ou un organisme doit, non seulement être assujetti cette année-là à la taxe sur la valeur ajoutée sur une partie au moins de son chiffre d’affaires, mais aussi l’avoir été l’année précédente à hauteur d’au moins 90 % de son chiffre d’affaires ».

 

Données du litige fiscal

La société requérante, la société Legris Industrie, a été assujettie à la TVA sur la totalité de son chiffre d’affaires au titre de l’année 2012. Elle en a déduit qu’elle ne pouvait pas être assujettie à la taxe sur les salaires à raison des rémunérations versées à ses salariés en 2012.

A l’issue d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a considéré, à l’inverse, qu’elle était bien redevable au titre de l’année 2012 de la taxe sur les salaires, au motif qu’elle n’avait pas été soumise, au titre de l’année 2011, à la TVA sur au moins 90 % de son chiffre d’affaires.

 

Divergences des juges du fond

Dans un arrêt du 26 novembre 2021 (CAA Nantes 26 novembre 2021 Legris Industrie, req. n° 20NT01871), la Cour administrative d’appel de Nantes a donné gain de cause à la société Legris Industrie.

La CAA de Nantes a estimé que le seul fait que la société requérante ait été assujettie à la TVA sur la totalité de son chiffre d’affaires l’année du paiement des rémunérations suffisait pour faire obstacle à son assujettissement à la taxe sur les salaires. Le fait que la société requérante n’ait pas été soumise à la TVA sur au moins 90 % de son chiffre d’affaires l’année précédant celle du paiement des rémunérations était donc sans incidence :

« Il résulte de ces dispositions que ne sont pas redevables de la taxe sur les salaires au titre d’une année civile les personnes qui ont été assujetties pour la période correspondant à la même année à la TVA sur l’intégralité de leur chiffre d’affaires.

Il n’est pas contesté en l’espèce que la SA LegrisIndustriesa, pour l’année 2012, été assujettie à la TVA pour l’intégralité de son chiffre d’affaires. Par suite, c’est à tort que l’administration a assujetti la SA Legris Industries à la taxe sur les salaires au titre de la même année, alors même que la requérante n’avait pas été assujettie à la TVA sur une fraction de son chiffre d’affaires d’au moins 90 % au cours de l’année 2011 ».

La ligne jurisprudentielle retenue par la CAA de Nantes n’était toutefois pas partagée par toutes les juridictions administratives.

La Cour administrative d’appel de Paris considérait, quant à elle, que ne sont pas redevables de la taxe sur les salaires pendant une année civile uniquement les personnes ou organismes qui, au cours de cette année, ont été assujettis à la TVA sur la totalité de leur chiffre d’affaires ET qui, durant l’année précédente, l’ont été sur 90 % au moins de leur chiffre d’affaires :

« 4. Considérant que, si la société International Real Returns a été assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période correspondant à l’année 2010 sur l’intégralité du chiffre d’affaires de l’entreprise, il est constant qu’au titre de l’année précédente, soit l’année 2009, elle n’a été assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée que sur une fraction de son chiffre d’affaires inférieure à 90 % ; que, par suite, et sans qu’il y ait lieu, dès lors que les dispositions susénoncées sont claires, de se référer aux travaux parlementaires ayant conduit à l’adoption de l’article 1er de la loi n° 68-1043 du 29 novembre 1968 à l’origine des dispositions reprises à l’article 231 précité du code général des impôts, modifié depuis à plusieurs reprises, l’administration pouvait, sur leur fondement, assujettir la société International Real Returns, au titre de l’année 2010, à la taxe sur les salaires » (CAA Paris 26 novembre 2014 International Real Returns, req. n° 14PA02683).

 

Un différend tranché par le Conseil d’Etat

Dans sa décision « Legris Industrie » du 31 mars 2023 (CE 31 mars 2023 SA Legris Industrie, req. n° 460838, publié aux Tables), le Conseil d’Etat a pris position en faveur de la jurisprudence de la CAA de Paris au détriment de celle rendue par la CAA de Nantes.

Une telle décision, qui a pour effet d’étendre le champ d’application de la taxe sur les salaires, apparaît très favorable à l’administration fiscale. Voire trop.

Il convient, en effet, de rappeler que les personnes ou organismes qui, au cours de l’année du paiement des rémunérations, n’ont pas été assujettis à la TVA doivent être soumis à la taxe sur les salaires, même si, durant l’année précédente, ils ont été assujettis à la TVA sur 90 % au moins de leur chiffre d’affaires.

En parallèle, il aurait été logique, comme l’avait jugé la CAA de Nantes, que les personnes ou organismes qui, au cours de l’année du paiement des rémunérations, sont assujettis à la TVA sur 100 % de leur chiffre d’affaires, ne soient pas soumis à la taxe sur les salaires, même si, durant l’année précédente, ils ont été assujettis à la TVA sur moins de 90 % de leur chiffre d’affaires.

Mais tel n’a pas été le choix du Conseil d’Etat.

Commencez à taper et appuyez sur Entrée pour effectuer la recherche

Emirats Arabes Unis salariés détachésItalie dividendes régime mère fille