25 mars 2023

Fiscalité France Luxembourg : notion de centre effectif de direction

Me Grégory D'Angela

Comment déterminer le « centre effectif de direction » d’une société pour l’application de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 ?

Dans une décision « d’Espous » du 15 mars 2023 (CE 15 mars 2023 d’Espous, req. n° 449723, publié aux Tables), le Conseil d’Etat a précisé que le fait qu’une société ayant son siège social au Luxembourg tienne dans ce pays ses assemblées générales et ses conseils d’administration ne suffit pas pour considérer que son centre effectif de direction se situe au Luxembourg, lorsqu’il apparaît que ses décisions stratégiques sont, en fait, prises depuis la France.

 

Données du litige fiscal

Le requérant, Monsieur d’Espous, a perçu en 2010 et 2011 des dividendes de la société CA Animation, société holding d’un groupe agroalimentaire dont le siège social est situé au Luxembourg depuis fin 2005. Le Luxembourg a opéré une retenue à la source sur ces dividendes.

Monsieur d’Espous ayant son domicile fiscal en France a demandé à bénéficier des stipulations du b) du 3 de l’article 19 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 accordant aux personnes domiciliées fiscalement en France et percevant des dividendes de source luxembourgeoise un crédit d’impôt égal à la retenue à la source opérée au Luxembourg sur les dividendes (dans la limite de l’impôt français afférent à ces dividendes) :

« La France accordera aux personnes qui ont leur domicile fiscal en France et qui bénéficient des revenus visés aux articles 8 et 9 ayant supporté l’impôt luxembourgeois dans les conditions prévues à ces articles, un crédit d’impôt correspondant au montant de l’impôt luxembourgeois, imputable sur les impôts français dans les bases desquels ces revenus se trouvent compris et dans la limite de ces impôts ».

L’administration fiscale a, par une proposition de rectification, considéré que Monsieur d’Espous n’était pas fondé à bénéficier d’un crédit d’impôt égal à la retenue à la source opérée au Luxembourg au motif que la société CA Animation n’était pas domiciliée fiscalement au Luxembourg.

Il est vrai qu’il résulte de la combinaison du 3 de l’article 19 et de l’article 8 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 que les dividendes pouvant bénéficier du crédit d’impôt sont ceux « payés par une société qui a son domicile fiscal dans un Etat contractant à une personne qui a son domicile fiscal dans l’autre Etat contractant ». Autrement dit, seuls sont concernés les dividendes payés par une société ayant son domicile fiscal au Luxembourg à une personne ayant son domicile fiscal en France.

L’issue du litige dépendait donc du point de savoir si la société CA Animation avait son domicile fiscal au Luxembourg comme le prétendait Monsieur d’Espous ou bien en France comme le soutenait l’administration fiscale.

 

La détermination du centre effectif de direction

Le § 4 de l’article 2 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958 stipule que :

« Le domicile fiscal (…) des personnes morales et des groupements de personnes physiques n’ayant pas la personnalité morale est au lieu de leur centre effectif de direction, ou si cette direction effective ne se trouve ni dans l’un ni dans l’autre des Etats contractants, au lieu de leur siège … ».

Il résulte de ces stipulations qu’une société a son domicile fiscal au lieu de son centre effectif de direction.

Comment déterminer le centre effectif de direction d’une société ?

Dans sa décision « d’Espous » (CE 15 mars 2023 d’Espous, req. n° 449723, publié aux Tables), le Conseil d’Etat a indiqué que le fait qu’une société ayant son siège social au Luxembourg tienne dans ce pays ses assemblées générales et ses conseils d’administration ne suffit pas pour considérer que son centre effectif de direction se situe au Luxembourg.

Bien sûr, ce sont des indices qui peuvent être pris en considération pour apprécier le lieu du centre effectif de direction. Mais ils ne sauraient suffire, comme l’illustre l’affaire « d’Espous », lorsqu’il apparaît que les décisions stratégiques de la société sont, en fait, prises depuis la France.

En l’espèce, le Conseil d’Etat a suivi l’administration fiscale qui considérait que le centre effectif de direction de la société CA Animation se trouvait en France aux motifs que :

  • Cette société ne disposait au Luxembourg que d’un local de 13 m² mis à sa disposition par une société luxembourgeoise de domiciliation.
  • Elle n’employait au Luxembourg qu’un seul salarié exerçant une activité de comptable quelques heures par semaine.
  • Ses contrats continuaient à être signés depuis le siège parisien d’autres sociétés du groupe par Monsieur d’Espous.
  • Les décisions de gestion continuaient à être prises par Monsieur d’Espous depuis ce siège parisien.

La Haute juridiction administrative en a déduit que la société CA Animation avait son domicile fiscal en France et qu’en conséquence, Monsieur d’Espous n’était pas fondé à bénéficier d’un crédit d’impôt égal à la retenue à la source payée au Luxembourg.

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