29 mars 2023

Impossible report du crédit d’impôt conventionnel en cas de résultat déficitaire

Me Grégory D'Angela

Une société résidente de France bénéficiant d’un crédit d’impôt conventionnel afférent à des revenus de source étrangère peut-elle, lorsqu’elle présente un résultat fiscal déficitaire, reporter ce crédit d’impôt sur le prochain exercice bénéficiaire afin de l’imputer sur l’impôt dû ?

Dans une décision « Natixis » du 8 mars 2023 (CE 8 mars 2023 Natixis, req. n° 456349, publié aux Tables), le Conseil d’Etat a jugé qu’en l’absence, dans la convention fiscale bilatérale conclue par la France avec l’Etat source du revenu, de stipulations autorisant expressément le report du crédit d’impôt conventionnel, un tel report s’avère impossible.

 

Données du litige fiscal

La société Natixis a perçu de 2008 à 2011 des revenus de source étrangère, notamment des dividendes, donnant droit en France, en vertu des conventions fiscales bilatérales conclues par la France avec les Etats sources de ces revenus, à des crédits d’impôt égaux aux impôts étrangers prélevés à la source sur ces revenus.

De 2008 à 2011, la société Natixis n’a cependant pas été soumise à l’impôt sur les sociétés compte tenu de ses résultats déficitaires et n’a donc pas pu imputer les crédits d’impôts conventionnels dont elle bénéficiait.

Aussi a-t-elle demandé à reporter ces crédits d’impôts conventionnels et à les imputer sur l’impôt sur les sociétés dû au titre de l’exercice 2012, qui s’est avéré bénéficiaire.

L’administration fiscale ayant rejeté cette demande, la société Natixis a saisi la juridiction administrative : tribunal administratif, puis cour administrative d’appel et enfin Conseil d’Etat.

 

Impossible restitution du crédit d’impôt conventionnel

Lorsque l’imputation du crédit d’impôt conventionnel sur l’impôt dû en France s’avère impossible (par exemple, en cas de résultat fiscal déficitaire), le Conseil d’Etat avait déjà eu l’occasion de juger que la société bénéficiaire de ce crédit d’impôt ne peut en demander la restitution au Trésor public (CE 27 juin 2016 Faurecia, req. n° 388984 et n° 392534, publié aux Tables).

Une question restait cependant en suspens : si la société ne peut pas obtenir la restitution du crédit d’impôt, peut-elle néanmoins en demander le report sur un prochain exercice bénéficiaire ? C’est tout l’objet de la décision « Natixis » rendue le 8 mars 2023.

 

Impossible report du crédit d’impôt conventionnel

Droit fiscal interne :

Le Conseil d’Etat a jugé en premier lieu qu’aucune disposition du droit fiscal interne n’autorise une société résidente de France à reporter sur un exercice ultérieur le crédit d’impôt conventionnel dont elle bénéficie au titre de l’exercice N, au motif que le résultat de cet exercice N serait déficitaire :

« 2. Aux termes de l’article 220 du code général des impôts : « … » Il ne résulte ni de ces dispositions, ni d’aucune autre disposition législative ou réglementaire qu’une société résidente de France qui n’aurait pu, en raison de sa situation déficitaire, imputer sur l’impôt dû en France au titre de l’exercice au cours duquel elle perçoit des revenus de source étrangère le crédit d’impôt conventionnel, correspondant à l’impôt acquitté à l’étranger à raison de ces revenus, puisse l’imputer sur l’impôt dû au titre d’un exercice ultérieur ».

Droit fiscal international :

La situation en droit fiscal international est plus complexe.

La Haute juridiction administrative a jugé que, de manière générale, les conventions fiscales bilatérales conclues par la France tendant à éliminer les doubles impositions ne sauraient être lues comme autorisant implicitement une société résidente de France à reporter sur un exercice ultérieur le crédit d’impôt conventionnel dont elle bénéficie au titre de l’exercice N, au motif que le résultat de cet exercice N serait déficitaire.

En effet, en raison de la situation fiscale déficitaire de la société résidente de France, les revenus perçus ne sont pas soumis à l’impôt en France. Il ne saurait donc y avoir de double imposition à éliminer :

« … Dès lors, elles ne peuvent subir, au titre de ces revenus, une double imposition juridique, relative à un même fait générateur et pour des périodes identiques, en France et dans l’Etat de source des revenus. Il s’ensuit que l’absence de possibilité de report d’un crédit d’impôt conventionnel non utilisé du fait d’une situation déficitaire ne saurait conduire à priver un contribuable résident de France du bénéfice de l’élimination d’une double imposition ».

Si les conventions fiscales bilatérales tendant à éliminer les doubles impositions ne sauraient être regardées comme autorisant implicitement le report du crédit d’impôt conventionnel, il convient toutefois de s’assurer qu’elles n’autorisent pas expressément un tel report.

Aussi le Conseil d’Etat a-t-il pris de soin dans l’affaire « Natixis » de relever qu’aucune stipulation des conventions fiscales bilatérales conclues entre la France et l’Australie, l’Argentine, le Brésil, le Cameroun, le Canada, la Chine, la Corée du Sud, l’Italie, le Japon, le Maroc, la Nouvelle-Zélande, la Pologne, le Portugal, le Royaume-Uni et la Turquie n’autorisait expressément le report du crédit d’impôt conventionnel.

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