09 décembre 2021

Fiscalité des indemnités de non-concurrence

Me Grégory D'Angela

Les indemnités de non-concurrence perçues en 2018 peuvent-elles bénéficier du crédit d’impôt pour la modernisation du recouvrement ?

Pour rappel, les contribuables ont bénéficié d’un crédit d’impôt « modernisation du recouvrement » à raison de leurs revenus non exceptionnels perçus ou réalisés en 2018, qui entraient dans le champ d’application du prélèvement à la source, afin de neutraliser une double imposition à l’impôt sur le revenu en 2019.

L’objectif du législateur était de ne faire bénéficier de ce crédit d’impôt que les revenus non exceptionnels, c’est-à-dire les revenus qui, par nature, sont susceptibles d’être perçus chaque année.

L’article 60 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 portant loi de finances pour 2017 a ainsi exclu du bénéfice du crédit d’impôt pour la modernisation du recouvrement les « indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail », eu égard à leur caractère exceptionnel.

Le législateur a néanmoins atténué ce principe en fixant quatre exceptions permettant à certaines indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail de bénéficier de ce crédit d’impôt :

  • les indemnités compensatrices de congé mentionnées à l’article  3141-28 du code du travail
  • les indemnités compensatrices de préavis mentionnées à l’article  1234-5 du même code
  • les indemnités de fin de contrat de travail à durée déterminée mentionnées à l’article  1243-8 dudit code
  • les indemnités de fin de mission mentionnées à l’article  1251-32 du même code

Quid des indemnités de non-concurrence ?

Force est de constater que les indemnités de non-concurrence ne figurent pas parmi ces quatre exceptions. Elles ne peuvent donc pas bénéficier du crédit d’impôt pour la modernisation du recouvrement.

L’exclusion par le législateur des indemnités de non-concurrence du bénéfice du crédit d’impôt pour la modernisation du recouvrement ne constitue-t-il pas une violation des principes constitutionnels d’égalité devant la loi fiscale et d’égalité devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ?

C’est la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) à laquelle a répondu très récemment le Conseil d’Etat. Dans une décision du 6 décembre 2021 (CE 6 décembre 2021, req. n° 456486), il a refusé de transmettre cette QPC au Conseil constitutionnel, estimant qu’elle ne présentait aucun caractère sérieux.

Pour dégager cette solution, le Conseil d’Etat a fait application de la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel selon laquelle il découle de l’article 6 de la DDHC que « le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit » (par exemple : CC, 9 juillet 2010, Mme Virginie M, n° 2010-11 QPC ; CC, 29 décembre 2012, Loi de finances pour 2013, n° 2012-662 DC).

En effet, les juges du Palais Royal ont mis en avant le fait que le bénéficiaire d’une indemnité de non-concurrence se trouve dans une situation différente :

  • d’une part, des bénéficiaires de revenus salariaux non exceptionnels
  • d’autre part, des bénéficiaires d’indemnités compensatrices de congé, d’indemnités compensatrices de préavis, d’indemnités de fin de contrat de travail à durée déterminée et d’indemnités de fin de mission

Le premier point ne posait guère de difficulté. Comme l’a rappelé le Conseil d’Etat, même si « l’indemnité de non concurrence a une nature salariale, ses bénéficiaires, eu égard au caractère exceptionnel de la rupture de contrat qui en est à l’origine, ne se trouvent pas, pour la détermination du montant de ce crédit d’impôt, dans une situation identique à celle des bénéficiaires de revenus salariaux non exceptionnels ».

En revanche, le second point était plus délicat dans la mesure où l’indemnité de non-concurrence est versée à l’occasion de la rupture du contrat de travail, à l’instar des indemnités compensatrices de congé, des indemnités compensatrices de préavis, des indemnités de fin de contrat de travail à durée déterminée et des indemnités de fin de mission.

Il existe néanmoins des différences entre l’indemnité de non-concurrence et ces quatre indemnités.

Comme l’a relevé le Conseil d’Etat, ces quatre indemnités peuvent être versées à l’ensemble des salariés, alors que l’indemnité de non-concurrence bénéficie à certains salariés uniquement. En outre, à la différence de l’indemnité de non-concurrence, ces quatre indemnités correspondent à des revenus qui auraient été perçus si le contrat n’avait pas été rompu ou bien sont destinées à compenser, pour un motif d’intérêt général, la précarité de la situation du salarié qui les perçoit.

Il en résulte de l’ensemble de ces éléments que le salarié qui perçoit une indemnité de non-concurrence ne se trouve pas dans la même situation que celui qui perçoit des indemnités compensatrices de congé, des indemnités compensatrices de préavis, des indemnités de fin de contrat de travail à durée déterminée et des indemnités de fin de mission. Or, en l’absence de situation identique, il ne saurait y avoir violation des principes constitutionnels d’égalité devant la loi et d’égalité devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

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