Les indemnités versées par le Parlement européen à ses parlementaires peuvent-elles être soumises en France à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires (article 79 du code général des impôts, ci-après CGI) ou bien dans celle des bénéfices non commerciaux (article 92 du CGI) ?
Dans une décision « Jean-Marie Le Pen » du 22 juillet 2022 (CE 22 juillet 2022, req. n° 458543, publié aux Tables), le Conseil d’Etat a donné raison au requérant en jugeant que ses indemnités de parlementaire européen versées par le Parlement européen (et non par le Parlement français) ne sont imposables en France à l’impôt sur le revenu ni dans la catégorie des traitements et salaires (art. 79 du CGI) ni dans celle des bénéfices non commerciaux (art. 92 du CGI).
Il est à noter que dans le même contentieux fiscal, le Conseil d’Etat avait déjà jugé le 5 février 2021 (CE 5 février 2021 Jean-Marie Le Pen, req. n° 438853, publié aux Tables) que les indemnités de Monsieur Jean-Marie Le Pen ne sont pas imposables en France sur le fondement de l’article 80 undecies du CGI, lequel ne vise que les indemnités versées par le Parlement français aux parlementaires européens en vertu de la loi n° 79-563 du 6 juillet 1979 relative à l’indemnité des représentants au Parlement européen.
Le versement des indemnités de parlementaire européen
Bien qu’élus au suffrage universel direct depuis 1976, les parlementaires européens étaient jusqu’en 2009 rémunérés par leurs parlements nationaux. En France, les modalités de rémunération des parlementaires européens par le Parlement français étaient prévues par la loi n° 79-563 du 6 juillet 1979 précitée.
Ce n’est que le 28 septembre 2005 que le Parlement européen a voté une décision « portant adoption du statut des députés au Parlement européen » prévoyant le versement aux parlementaires européens d’une indemnité payée par le budget de l’Union européenne et soumise à un impôt européen. Cette décision du 28 septembre 2005 est entrée en vigueur en 2009.
La décision du 28 septembre 2005 prévoit toutefois un système dérogatoire pour les parlementaires européens faisant déjà partie du Parlement européen avant 2009. En effet, ceux-ci peuvent opter pour le maintien du versement de leur indemnité par leur parlement national.
En l’espèce, Monsieur Jean-Marie Le Pen n’ayant pas exercé une telle option, ses indemnités en litige ont été versés par le Parlement européen et ne relèvent donc pas de l’article 80 undecies du CGI.
Le régime fiscal des indemnités de parlementaire européen versées par le Parlement européen
L’impossible qualification de traitements et salaires :
L’article 79 du code général des impôts dispose que :
« Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l’impôt sur le revenu.
Il en est de même des prestations de retraite servies sous forme de capital ».
Comme l’a rappelé le Conseil d’Etat dans sa décision du 22 juillet 2022, les traitements et salaires mentionnés à l’article 79 du CGI s’entendent des sommes perçues en rémunération de leur activité professionnelle par des personnes exerçant cette activité dans le cadre d’une relation de travail avec un employeur public (« traitement ») ou privé (« salaire »).
Or, un parlementaire européen, en tant qu’élu, ne se trouve pas dans une quelconque relation de travail avec un employeur.
Par suite, les indemnités versées à un parlementaire européen par l’Union européenne ne peuvent pas être imposées en France sur le fondement de l’article 79 du CGI.
L’impossible qualification de bénéfices non commerciaux :
L’article 92 du code général des impôts dispose que :
« 1. Sont considérés comme provenant de l’exercice d’une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n’ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ».
Là encore, un parlementaire européen, en tant qu’élu, n’exerce pas une activité de nature lucrative.
Il en résulte que les indemnités versées à un parlementaire européen par l’Union européenne ne peuvent pas non plus être imposées en France sur le fondement de l’article 92 du CGI.
En conclusion, les indemnités versées à un parlementaire européen par l’Union européenne ne peuvent, en l’état de la législation fiscale, être soumise qu’à l’impôt européen mentionné par la décision du Parlement européen du 28 septembre 2005. Elles ne pourront être soumises à l’impôt en France, en plus de l’impôt européen, sous réserve d’éliminer la double imposition en résultant, qu’après adoption en France d’une disposition législative le prévoyant expressément.