31 août 2022

Cession à une banque d’un crédit de TVA remboursable : recevabilité de la requête fiscale

Me Grégory D'Angela

Un établissement bancaire, cessionnaire sur le fondement de la loi Dailly d’une créance consistant en un crédit de TVA remboursable, est-il recevable devant le juge administratif à se prévaloir, pour obtenir le remboursement de ce crédit de TVA, de la réclamation contentieuse effectuée à cette fin par la société cédante ?

Faisant preuve de souplesse, le Conseil d’Etat a répondu positivement dans une décision « Monte Paschi Banque » du 22 juillet 2022 (CE 22 juillet 2022 Société Monte Paschi Banque, req. n° 451251, publié aux Tables).

Afin de mieux appréhender cette solution jurisprudentielle, il importe tout d’abord de rappeler brièvement en quoi consiste le mécanisme de cession des créances professionnelles en cause dans cette affaire.

 

Cession des créances professionnelles

L’article L. 313-23 du code monétaire et financier (issu de la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981, dite “loi Dailly”) dispose que :

« Tout crédit qu’un établissement de crédit, qu’un FIA … ou qu’une société de financement consent à une personne morale de droit privé ou de droit public, ou à une personne physique dans l’exercice par celle-ci de son activité professionnelle, peut donner lieu au profit de cet établissement, de ce FIA, ou de cette société, par la seule remise d’un bordereau, à la cession ou au nantissement par le bénéficiaire du crédit, de toute créance que celui-ci peut détenir sur un tiers, personne morale de droit public ou de droit privé ou personne physique dans l’exercice par celle-ci de son activité professionnelle ».

Ces dispositions permettent à une personne morale de droit public, à une personne morale de droit privé ou à une personne physique dans l’exercice par celle-ci de son activité professionnelle de céder à un établissement de crédit (notamment une banque) la créance qu’elle détient sur un tiers (personne morale de droit public, personne morale de droit privé ou personne physique dans l’exercice de son activité professionnelle) afin d’obtenir un financement de court terme.

Cette cession opère transfert de propriété de la créance au profit de l’établissement de crédit cessionnaire.

La créance professionnelle cédée peut être de nature fiscale. Elle peut notamment consister en un crédit de TVA remboursable (CE 24 septembre 2003 Société Banca Intesa, req. n° 233084, publié au recueil).

 

Le litige fiscal en cause dans l’affaire Monte Paschi Banque

En l’espèce, le litige fiscal qui oppose la banque Monte Paschi à l’administration est précisément relatif à un remboursement de crédits de TVA.

Les crédits de TVA remboursables en cause, qui sont relatifs aux mois de juin 2007 et juillet 2007, ont été cédés par la société SDP à la Monte Paschi Banque par des conventions conclues les 12 juin 2007 et 1er août 2007.

La société SDP en a demandé le remboursement à l’administration fiscale les 16 juillet 2007 et 1er août 2007.

L’administration fiscale ayant refusé de procéder au remboursement, la Monte Paschi Banque a saisi le tribunal administratif du litige, en tant que cessionnaire de la créance née des crédits de TVA remboursables.

Ce litige comporte deux volets.

Le premier volet de l’affaire Monte Paschi Banque :

La première question était de savoir si la banque Monte Paschi avait qualité pour agir devant le tribunal administratif.

Sur ce point, le Conseil d’Etat a jugé en 2017 que lorsque la cession de créance intervient avant l’introduction d’une demande tendant au remboursement de cette créance devant un tribunal, l’établissement de crédit cessionnaire, comme le cédant, a qualité pour agir devant le juge de l’impôt afin d’obtenir le paiement de cette créance, indépendamment des procédures de notification de la cession de créance ou d’acceptation de cette cession par le débiteur (CE 20 septembre 2017, Société Monte Paschi Banque, req. n° 393271, publié aux Tables).

Il en a déduit que la banque Monte Paschi avait bien qualité pour agir devant le juge de l’impôt du fait, à la date de la saisine du juge, de sa qualité de cessionnaire des crédits de TVA.

Le second volet de l’affaire Monte Paschi Banque :

La seconde question posée par cette affaire est celle de la recevabilité de la requête de la banque Monte Paschi tendant au remboursement des crédits de TVA.

A cet égard, une question particulièrement épineuse de recevabilité se pose dans la mesure où la Monte Paschi Banque n’a déposé elle-même aucune réclamation fiscale préalable. En effet, seul le cédant, la société SDP, a déposé une telle réclamation.

La Monte Paschi Banque peut-elle se prévaloir de la réclamation fiscale préalable introduite par le cédant ?

Contre toute attente, faisant preuve d’une réelle souplesse, le Conseil d’Etat l’a admis dans sa décision « Monte Paschi Banque » du 22 juillet 2022 (CE 22 juillet 2022 Société Monte Paschi Banque, req. n° 451251, publié aux Tables) :

« Pour justifier de la recevabilité de l’instance qu’il a directement introduite devant le tribunal administratif afin d’obtenir le paiement de sa créance, l’établissement de crédit cessionnaire peut se prévaloir de la réclamation préalable présentée par le cédant à l’administration fiscale, eu égard à l’objet de celle-ci ».

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