Salarié détaché à l’étranger : La circonstance que l’employeur apparent du salarié détaché à l’étranger ne soit établi ni en France, ni dans l’Union européenne (UE), ni dans l’Espace économique européen (EEE), fait-elle obstacle au bénéfice de l’exonération d’impôt sur le revenu prévu à l’article 81 A du code général des impôts (CGI) ?
Dans une décision du 17 octobre 2023 concernant un salarié détaché sur un navire de forage pétrolier (CE 17 octobre 2023, req. n° 464551, publié aux Tables), le Conseil d’Etat a jugé qu’en dépit d’une telle circonstance, le salarié peut bénéficier du régime fiscal de faveur prévu à l’article 81 A du CGI dès lors que son employeur réel est établi soit en France, soit dans l’UE, soit dans l’EEE :
« 3. Pour l’application de ces dispositions, la circonstance qu’une personne ayant son domicile fiscal en France soit formellement liée par un contrat de travail avec une société établie, tout à la fois, hors de France, d’un autre Etat membre de l’Union européenne et d’un autre Etat membre de l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative ne suffit pas, à elle seule, à exclure que cette personne puisse se trouver dans une relation de subordination à l’égard d’un employeur établi en France, dans un autre Etat membre de l’Union européenne ou dans un autre Etat membre de l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative ».
Conditions d’exonération des salaires perçus lors du détachement à l’étranger
Pour que les salaires perçus dans le cadre de son détachement à l’étranger soient totalement ou partiellement exonérés d’impôt sur le revenu en application de l’article 81 A du CGI, le salarié doit remplir les conditions suivantes :
- Il doit avoir son domicile fiscal en France au sens de l’article 4 B du CGI
- Son employeur doit être établi en France ou dans un autre Etat membre de l’UE, ou dans un autre Etat partie à l’accord sur l’EEE ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales
- Il doit être détaché par son employeur dans un Etat autre que celui où cet employeur est établi
S’agissant de la condition relative au lieu d’établissement de l’employeur, il y a lieu de rappeler qu’à la suite du Brexit, l’Union européenne compte désormais 27 membres. L’Espace économique européen comprend ces 27 membres, ainsi que la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein, soit un total de 30 membres. Si la Suisse a signé l’Accord sur l’EEE du 2 mai 1992, elle ne l’a, en revanche, jamais ratifié et ne fait donc pas partie de l’EEE. Le Royaume-Uni ayant quitté l’UE ne fait également pas partie de l’EEE.
Distinction employeur apparent et employeur réel
En principe, l’employeur du salarié détaché s’entend de l’entité juridique avec laquelle le salarié a conclu son contrat de travail. Cet employeur mentionné sur le contrat de travail est l’employeur apparent du salarié.
Toutefois, il peut arriver que l’employeur réel du salarié, c’est-à-dire l’employeur avec lequel le salarié a un lien de subordination, soit distinct de l’employeur apparent.
Or, le Conseil d’Etat a admis, dans sa décision précitée du 17 octobre 2023, que soit pris en compte le lieu d’établissement de l’employeur réel du salarié pour déterminer si les conditions prévues à l’article 81 A du CGI sont satisfaites.
Ainsi, les salaires versés au salarié dans le cadre de son détachement à l’étranger peuvent être exonérés, totalement ou partiellement, d’impôt sur le revenu lorsque :
- Le salarié a son domicile fiscal en France au sens de l’article 4 B du CGI
- Son employeur réel est établi en France, dans un Etat de l’UE ou de l’EEE, alors même que son employeur apparent n’est établi ni en France, ni dans l’UE, ni dans l’EEE
- Le salarié est détaché par son employeur réel dans un Etat autre que celui où cet employeur réel est établi
En l’espèce, ces conditions étaient remplies, notamment la 2ème, l’employeur apparent étant établi à Jersey (territoire extérieur à l’UE et à l’EEE) alors que l’employeur réel était établi en Grèce (Etat membre de l’UE).
Pour juger que la société établie en Grèce constituait l’employeur réel du salarié, lequel était détaché sur un navire de forage pétrolier en Namibie et en Angola, le Conseil d’Etat a pris en compte différents éléments caractérisant l’existence d’un lien de subordination :
- le fait que le travail du salarié était organisé par la société établie à Athènes
- ses responsables hiérarchiques, qui se situaient à Athènes, fixaient ses périodes de rotation sur le navire où il était affecté, arrêtaient ses ordres de mission, contrôlaient son activité, assuraient sa formation professionnelle et procédaient à ses évaluations annuelles