06 octobre 2022

Taxe sur les salaires : précisions sur son champ d’application territorial

Me Grégory D'Angela

Lorsque les entreprises entrant dans le champ d’application de la taxe sur les salaires emploient des salariés détachés à l’étranger, doivent-elles être soumises à la taxe sur les salaires à raison des rémunérations versées à ces salariés ?

Dans une décision du 13 juillet 2022 (CE 13 juillet 2022 HSBC France, req. n° 460386, publié aux Tables), le Conseil d’Etat a répondu positivement alors même que les rémunérations versées aux salariés détachés à l’étranger par l’entreprise française ne sont pas soumises à la CSG :

« 5. Par suite, en jugeant que le renvoi opéré par l’article 231 du code général des impôts, à la suite de sa modification par l’article 13 de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, à l’article L. 136-2 du code de la sécurité sociale pour la détermination du montant des rémunérations à prendre en vue de l’établissement de la taxe n’avait eu ni pour objet, ni pour effet d’exclure de l’assiette de la taxe les rémunérations versées à des salariés exerçant leur activité à l’étranger ne se trouvant pas à la charge d’un régime obligatoire français d’assurance maladie et n’entrant pas, par suite, dans le champ de la contribution sociale généralisée sur les revenus d’activité et sur les revenus de remplacement défini à l’article L. 136-1 du même code, la cour administrative d’appel, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, ne l’a entaché ni d’erreur de droit, ni de contradiction de motifs ».

 

L’employeur établi en France ayant des salariés détachés à l’étranger

A titre liminaire, il est rappelé que l’article 51 de l’annexe 3 au CGI dispose que :

« 2. La taxe à la charge des personnes ou organismes mentionnés à l’article 231 du code général des impôts est calculée sur le montant total des rémunérations effectivement payées par ces personnes ou organismes à l’ensemble de leur personnel – y compris la valeur des avantages en nature – quels que soient l’importance des rémunérations et le lieu du domicile des bénéficiaires ».

Il résulte de ce texte que toute entreprise établie en France et entrant dans le champ d’application de l’article 231 du CGI est soumise à la taxe sur les salaires à raison des rémunérations versées à l’ensemble de ses salariés, y compris ceux dont le domicile fiscal est situé à l’étranger.

Toute la difficulté était de savoir si ce texte s’applique uniquement aux salariés ayant leur domicile fiscal à l’étranger mais exerçant leur activité en France ou bien également aux salariés ayant leur domicile fiscal à l’étranger et exerçant leur activité à l’étranger, autrement dit aux salariés détachés à l’étranger.

Dans une décision du 30 juin 1982 (CE 30 juin 1982 Centre expérimental de recherches et d’études du bâtiment et des travaux publics, req. n° 22796, publié au recueil), le Conseil d’Etat avait déjà eu l’occasion d’affirmer que les rémunérations versées aux salariés détachés à l’étranger sont bien soumises à la taxe sur les salaires :

« En vertu de l’article 231 du C.G.I., la taxe est due par tout employeur établi en France à raison des rémunérations qu’il paye à son personnel salarié sans qu’il y ait lieu d’opérer des distinctions que la loi ne fait pas, selon le lieu de domicile du salarié ou selon le lieu où il exerce son activité. En l’espèce, toutefois, la société peut prétendre à la décharge de la taxe sur les salaires versés à ses employés travaillant à l’étranger sur le fondement d’une circulaire du 11 mai 1950 ».

Le renvoi opéré par l’article 231 du CGI, à la suite de sa modification par la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, à l’article L. 136-2 du code de la sécurité sociale pour la détermination du montant des rémunérations à prendre en vue de l’établissement de la taxe sur les salaires a-t-il eu pour effet de remettre en cause cette jurisprudence du 30 juin 1982 ?

Dans sa décision précitée du 13 juillet 2022 (CE 13 juillet 2022 HSBC France, req. n° 460386, publié aux Tables), le Conseil d’Etat a confirmé sa jurisprudence du 30 juin 1982 en jugeant de nouveau que les rémunérations versées aux salariés détachés à l’étranger par l’entreprise française sont soumises à la taxe sur les salaires alors même qu’elles ne sont pas soumises à la CSG.

 

L’employeur établi à l’étranger ayant une installation en France

Dans une décision du 15 décembre 1982 (CE 15 décembre 1982 Compagnie africaine forestière et des allumettes (CAFAL), req. n° 31925, publié aux Tables), le Conseil d’Etat avait précisé que la taxe sur les salaires est due également par les employeurs dont le siège social est situé à l’étranger et qui disposent d’une installation en France, à raison des rémunérations qu’ils versent à ceux de leurs salariés rattachés à cette installation.

Dans sa décision précitée du 13 juillet 2022 (CE 13 juillet 2022 HSBC France, req. n° 460386, publié aux Tables), le Conseil d’Etat a, là aussi, confirmé la jurisprudence « CAFAL » rendue le 15 décembre 1982 :

« Cette imposition est également due par les employeurs dont le siège social est situé à l’étranger et qui disposent d’une installation en France, à raison des rémunérations qu’ils versent à ceux de leurs salariés rattachés à cette installation ».

 

La conformité de la taxe sur les salaires au droit de l’Union européenne

Enfin, on relèvera brièvement que, dans sa décision précitée du 13 juillet 2022 (CE 13 juillet 2022 HSBC France, req. n° 460386, publié aux Tables), le Conseil d’Etat a jugé également que la taxe sur les salaires était conforme à quatre grands principes du droit de l’Union européenne :

  • le principe d’unicité de la législation sociale qui découle du règlement n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale
  • le principe de libre circulation des travailleurs consacré à l’article 45 du Traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE)
  • le principe de liberté d’établissement consacré à l’article 49 du TFUE
  • le principe de liberté de prestations de services consacré à l’article 56 du TFUE

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