Fiscalité France Israël : L’application de la convention fiscale franco-israélienne peut-elle conduire à une double non-imposition de pensions de retraite de source française ?
Dans un arrêt récent du 13 octobre 2022 (CAA Toulouse 13 octobre 2022, req. n° 20TL22832), la Cour administrative d’appel de Toulouse a répondu de manière positive, rendant ainsi une décision très favorable aux requérants. Elle a admis que des retraités français domiciliés en Israël, ne percevant que des revenus de source française (pensions de retraite), puissent se prévaloir de la convention fiscale franco-israélienne pour faire obstacle à l’imposition en France de leurs pensions de retraite, et ce alors même que leurs pensions de retraite de source française ne sont pas imposées en Israël.
Objet du litige relatif à la fiscalité France Israël
Les requérants ont quitté la France pour aller vivre en Israël à compter du 28 juillet 2014. Ce sont des retraités qui ne perçoivent que des pensions de retraite de source française.
Ces pensions de retraite n’ont pas été imposées en Israël, conformément à la législation fiscale israélienne (amendement 168 de l’ordonnance de l’impôt sur le revenu, publié le 16 septembre 2008) en vertu de laquelle les nouveaux résidents sont exonérés, pour une période de dix ans à compter de l’année de leur installation, de tout impôt sur les revenus provenant de l’étranger.
La France a, en revanche, soumis ces pensions de retraite à l’impôt sur le revenu ; ce que contestent les requérants.
Pour contester l’imposition en France de leurs pensions de retraite de source française, les requérants ont entendu se prévaloir de l’article 18 de la convention fiscale du 31 juillet 1995 conclue entre la France et Israël en vue d’éviter les doubles impositions, lequel donne une compétence exclusive à l’Etat de résidence pour imposer les pensions payées par l’autre Etat.
De ce fait, le litige porte sur le point de savoir si les requérants peuvent ou non être considérés comme résidents fiscaux d’Israël au sens de la convention du 31 juillet 1995.
Domicile fiscal des requérants en vertu de la loi fiscale française
Avant d’aborder ce point délicat de la fiscalité France Israël, il importe de préciser qu’au cas présent, il ne faisait aucun doute que les requérants avaient bien leur domicile fiscal en France au sens de l’article 4 B du CGI.
En effet, s’ils n’avaient en France ni le lieu de leur foyer ni le lieu de leur séjour principal ni a forfiori le lieu de leur activité professionnelle (ils sont retraités), ils avaient néanmoins en France le centre de leurs intérêts économiques, dès lors qu’ils ne percevaient que des revenus de source française.
Résidence fiscale des requérants en vertu de la convention franco-israélienne
Le paragraphe 1 de l’article 4 de convention fiscale franco-israélienne du 31 juillet 1995 stipule que :
» Au sens de la présente Convention, l’expression « résident d’un Etat contractant » désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l’impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction, ou de tout autre critère de nature analogue. Toutefois, cette expression ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l’impôt dans cet Etat que pour les revenus de sources situées dans cet Etat ou pour la fortune qui y est située « .
Il ressort de ces stipulations que deux conditions doivent être réunies pour pouvoir être considéré comme résident fiscal israélien :
- d’une part, l’assujettissement à l’impôt en Israël en raison d’un lien de nature personnelle
- d’autre part, l’assujettissement à l’impôt en Israël sur ses revenus de source israélienne et de source étrangère
1) L’assujettissement à l’impôt en raison d’un lien de nature personnelle :
Il résulte de la première phrase du paragraphe 1 de l’article 4 de la convention que pour être résident fiscal en Israël, la personne doit tout d’abord être assujettie à l’impôt en Israël en raison d’un lien de nature personnelle, comme le domicile.
Au cas présent, les requérants ont bien un lien de nature personnelle avec Israël dans la mesure où ils y ont installé leur domicile.
Par ailleurs, s’ils avaient perçu des revenus de source israélienne, ils auraient été soumis à l’impôt en Israël.
La Cour administrative d’appel de Toulouse considère, à juste titre, qu’en raison de ce « potentiel assujettissement », les requérants doivent être regardés comme étant « assujettis » à l’impôt en Israël en raison d’un lien de nature personnelle.
2) L’assujettissement à l’impôt sur l’ensemble des revenus :
La seconde phrase du paragraphe 1 de l’article 4 de la convention fiscale franco-israélienne stipule que :
« Toutefois, cette expression ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l’impôt dans cet Etat que pour les revenus de sources situées dans cet Etat ou pour la fortune qui y est située ».
Il résulte de ces stipulations que pour être résident fiscal en Israël, la personne doit également être assujettie à l’impôt en Israël sur l’ensemble de ses revenus. Autrement dit, elle ne doit pas être assujettie à l’impôt que sur ses seuls revenus de source israélienne.
Or, au cas présent, les requérants ne pouvaient, du fait de la législation fiscale israélienne évoquée ci-avant, être assujettis à l’impôt que sur leurs revenus de source israélienne, leurs revenus de source étrangère étant expressément exonérés.
Malgré cela, et c’est le second point important de l’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Toulouse, ils sont considérés par la Cour comme résidents israéliens, au motif que « la seconde phrase du 1 de cet article 4, telle qu’elle est éclairée par les commentaires formulés par le comité fiscal de l’Organisation de coopération et de développement économiques sur l’article 4 de la convention-modèle établie par cette organisation, vise seulement à exclure de la qualité de résident d’un Etat les personnes qui ne sont assujetties à l’impôt dans cet Etat que pour les revenus de sources situées dans ce même Etat et pour des raisons étrangères à l’existence d’un lien personnel avec cet Etat ».
La solution rendue par la Cour repose sur le fait que si la législation israélienne exonère les revenus de source étrangère perçus par les nouveaux résidents, une telle exonération n’est que temporaire, si bien que ces nouveaux résidents ne perdent pas leur qualité de résident fiscal d’Israël.
Ce point de la fiscalité France Israël ayant été tranché, la Cour en a logiquement déduit que seul l’Etat Israël, en tant qu’Etat de résidence, était compétent pour imposer les pensions de retraite de source française en litige.