Une société assujettie à la TVA dont l’activité économique consiste à acquérir des terrains constructibles puis à y faire construire des immeubles qu’elle donne en location doit-elle être regardée, lorsqu’elle procède à la cession de terrains à bâtir, comme agissant dans le cadre de son activité économique ou bien dans le cadre de la gestion de son patrimoine privé ? Les enjeux fiscaux sont importants : dans le premier cas, la cession doit être soumise à la TVA ; à l’inverse, dans le second cas, la cession n’entre pas dans le champ d’application de la TVA.
Dans une décision « Vin Rox » du 21 décembre 2022 (CE 21 décembre 2022 Vin Rox, req. n° 459476, publié aux Tables), le Conseil d’Etat a jugé qu’une telle société doit être regardée comme agissant dans le cadre de son activité économique et, par suite, que la cession doit être soumise à la TVA.
L’objet du litige fiscal
La SCI Vin Rox a pour objet social l’acquisition, la gestion et l’administration de biens immobiliers.
Son activité économique consiste à acquérir des terrains sur lesquels des constructions peuvent être édifiées conformément aux règles d’urbanisme puis à y faire construire des immeubles qu’elle donne en location. En principe, la SCI Vin Rox n’a donc pas vocation, dans le cadre de son activité économique, à céder des terrains à bâtir.
Lorsque les services de l’urbanisme d’une collectivité ne l’autorisent pas à construire le bien immobilier qu’elle souhaitait donner en location, il peut toutefois lui arriver de céder le terrain qu’elle avait acquis à cet effet. Ce faisant, agit-elle dans le cadre de la gestion de son patrimoine privé ou bien dans le cadre de son activité économique ? Telle était la question soumise au Conseil d’Etat.
La solution du litige fiscal
Pour juger que la SCI Vin Rox doit être regardée comme agissant dans le cadre de son activité économique, la Haute juridiction administrative a estimé, dans sa décision précitée du 21 décembre 2022, que son activité économique s’étend nécessairement à la cession de terrains à bâtir :
« L’activité d’achat de terrains à bâtir en vue d’y construire des biens destinés à la location, quand bien même ces terrains constitueraient un actif immobilisé et non un stock, comporte nécessairement le risque que certains d’entre eux se révèlent impropres à l’usage qu’elle entendait en faire et soient cédés afin d’assurer la pérennité de l’activité ».
Il en va ainsi alors même que :
- l’objet social de l’entreprise n’inclut pas la cession de terrains à bâtir
- les terrains figurent à l’actif immobilisé du bilan et non à l’actif circulant
Les précédents jurisprudentiels
La jurisprudence du Conseil d’Etat distinguant selon que la cession de terrain à bâtir est effectuée dans le cadre de l’activité économique de l’assujetti ou dans le cadre de la gestion de son patrimoine privé s’inscrit dans la lignée de ses jurisprudences précédentes précisant qu’une personne physique doit être regardée, lorsqu’elle réalise des démarches actives de commercialisation foncière sur des terrains à bâtir (réalisation de travaux de viabilisation ou mise en œuvre de moyens de commercialisation de type professionnel) comme exerçant une activité économique et non comme assurant la gestion de son patrimoine privé :
« Pour l’application des articles 256, 256 A et 257 du code général des impôts (CGI), la livraison, par une personne physique, de terrains à bâtir est soumise à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) lorsqu’elle procède, non de la simple gestion d’un patrimoine privé, mais de démarches actives de commercialisation foncière, telles que la réalisation de travaux de viabilisation ou la mise en œuvre de moyens de commercialisation de type professionnel, similaires à celles déployées par un producteur, un commerçant ou un prestataire de services, et qu’elle permet ainsi de regarder cette personne comme ayant exercé une activité économique » (CE 9 juin 2020, req. n° 432596, publié aux Tables).