Le propriétaire d’un bien immobilier qui a été acquis selon le régime juridique de la vente d’immeuble à rénover peut-il déduire de ses revenus fonciers le prix des travaux de rénovation prévus par ce contrat ?
Alors que les juges du fond étaient divisés sur cette question, le Conseil d’Etat a tranché définitivement la question dans une décision très récente du 17 octobre 2022 (CE 17 octobre 2022, req. n° 460113, publié aux Tables). Il a refusé la déductibilité des revenus fonciers du prix des travaux de rénovation au motif que ces travaux ne constituent pas des « charges de la propriété » mais seulement un élément du prix d’acquisition de l’immeuble :
« 4. Il résulte de ces dispositions que, dans le cadre d’un contrat de vente d’immeuble à rénover régi par les articles L. 262-1 à L. 262-11 du code de la construction et de l’habitation, le prix des travaux devant être réalisés par le vendeur est un élément du prix d’acquisition de l’immeuble. Dès lors, le coût de ces travaux, qui ne sont pas des charges de propriété, ne peut, pour la détermination du revenu net défini à l’article 28 du code général des impôts, être déduit, sur le fondement de l’article 31 du même code, des revenus fonciers provenant de la location du bien ainsi acquis ».
Le contrat de vente d’immeuble à rénover
1) Le contrat de vente d’immeuble à rénover est un contrat soumis à des règles spécifiques prévues aux articles L. 262-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation (CCH).
En vertu de l’article L. 262-1 alinéa 1 du CCH, le contrat de vente d’immeuble à rénover est un contrat par lequel le vendeur d’un immeuble bâti, à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation ou destiné après travaux à l’un de ces usages, s’engage, dans un délai déterminé, à réaliser des travaux sur cet immeuble en contrepartie du paiement des travaux par l’acquéreur avant leur livraison.
Comme tout contrat de vente portant sur un bien immobilier, le contrat de vente d’immeuble à rénover doit, à peine de nullité, être conclu par acte authentique (art. L. 262-4 du CCH).
Le transfert de propriété ne s’opère toutefois pas intégralement à la date de conclusion de l’acte authentique. En effet, si l’acquéreur devient, dès la conclusion du contrat, propriétaire du sol et du bâti existant, il ne deviendra propriétaire des ouvrages rénovés qu’au fur et à mesure de l’exécution des travaux (art. L. 262-1 alinéa 2 du CCH).
S’agissant du paiement des travaux, l’acquéreur doit en régler le prix au vendeur au fur et à mesure de leur avancement (art. L. 262-8 du CCH).
2) Lorsque le propriétaire du bien immobilier acquis par un contrat de vente d’immeuble à rénover le donne en location nue, les revenus retirés de cette location sont imposables à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus fonciers.
Pour le calcul du revenu foncier imposable, le prix des travaux payés au vendeur en application du contrat de vente d’immeuble à rénover constitue-t-il une charge déductible ?
Conséquences fiscales du contrat de vente d’immeuble à rénover sur les revenus fonciers
1) L’article 28 du code général des impôts (CGI) dispose que :
« Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété ».
L’article 31 du CGI précise que :
« I. – Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent … »
Il résulte clairement de ces deux articles que seules des dépenses répondant à la qualification de « charges de la propriété » peuvent constituer des charges déductibles des revenus fonciers.
2) Les travaux de rénovation payés par l’acquéreur constituent-ils des « charges de la propriété » ou bien « un élément du prix d’acquisition de la propriété » ?
Pour l’administration fiscale, ces dépenses constituent un élément du prix d’acquisition de l’immeuble et ne peuvent donc être déduites des revenus fonciers imposables (BOI-RFPI-BASE-20-30-30 n°25).
C’est également la position que le Conseil d’Etat a adopté dans sa décision du 17 octobre 2022 (CE 17 octobre 2022, req. n° 460113, publié aux Tables).
Pour en arriver à la conclusion que les travaux de rénovation payés par l’acquéreur constituent « un élément du prix d’acquisition de la propriété » et non des « charges de la propriété », il s’est notamment appuyé sur :
- l’article L. 262-4 du CCH qui dispose que le contrat de vente d’immeuble à rénover doit, à peine de nullité, mentionner « le prix de l’immeuble »
- et sur l’article R. 262-9 du CCH qui précise que « le prix de l’immeuble » s’entend « de l’existant au jour de la vente et celui des travaux devant être réalisés par le vendeur ».