11 avril 2022

Validation de la majoration de 100 % pour opposition à contrôle fiscal

Me Grégory D'Angela

Il y a deux mois, nous avions commenté la décision du Conseil d’Etat de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité à la constitution de la majoration de 100 % pour opposition à contrôle fiscal.

Le 8 avril 2022 (CC 8 avril 2022, n° 2022-988 QPC), le Conseil constitutionnel a statué sur cette QPC par une décision qui, il faut bien l’avouer, a été peu remarquée dans le contexte du premier tour des élections présidentielles. Comme nous l’avions prédit, le Conseil a confirmé la validité constitutionnelle de la majoration de 100 % pour opposition à contrôle fiscal.

 

Les sanctions de l’opposition à contrôle fiscal

L’opposition à contrôle fiscal est un acte grave qui peut entraîner notamment :

  • l’évaluation d’office des bases d’imposition (art. L. 74 du Livre des procédures fiscales)
  • la majoration de 100 % des droits dus (article 1732 du code général des impôts)
  • l’interdiction de participer à certaines commissions des impôts
  • une amende de 25 000 euros et, en cas de récidive, une peine maximale de 6 mois d’emprisonnement en plus de cette amende (article 1746 du code général des impôts)

A l’occasion d’un contentieux fiscal, le Conseil d’Etat a décidé, dans une décision du 8 février 2022 (CE 8 février 2022, req. n° 458277), de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité soulevant l’inconstitutionnalité de la majoration de 100 % au motif qu’elle violerait le principe de nécessité et de proportionnalité des délits et des peines.

L’auteur de la QPC a soulevé le fait que l’application de cette majoration peut se cumuler avec, notamment, l’amende pénale de 25 000 euros ; ce qui constituerait une sanction disproportionnée eu égard aux faits commis.

 

La solution rendue par le Conseil constitutionnel

Principe de nécessité des délits et des peines :

Le principe de nécessité des délits et des peines résulte de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ».

Le Conseil constitutionnel a rappelé que la règle non bis in idem selon laquelle nul ne peut être condamné deux fois pour les mêmes faits découle de ce principe : « Il découle du principe de nécessité des délits et des peines qu’une même personne ne peut faire l’objet de plusieurs poursuites tendant à réprimer de mêmes faits qualifiés de manière identique, par des sanctions de même nature, aux fins de protéger les mêmes intérêts sociaux ».

Le cumul entre la majoration de 100 % et l’amende pénale viole-t-il la règle du non bis in idem ?

Non car ces deux sanctions ne répriment pas le même comportement :

  • L’amende pénale sanctionne tous les contribuables qui se rendent coupables d’opposition à contrôle fiscal, qu’ils aient éludé ou non l’impôt
  • La majoration de 100 % ne sanctionne, en revanche, que les contribuables qui se rendent coupables d’opposition à contrôle fiscal ET qui ont éludé l’impôt

Le Conseil constitutionnel en déduit que le cumul de la majoration de 100 % et de l’amende pénale ne méconnaît pas le principe de nécessité des délits et des peines.

Principe de proportionnalité :

Le principe de proportionnalité entre la peine encourue et l’infraction résulte également de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Le Conseil constitutionnel a jugé que la majoration de 100 % pour opposition à contrôle fiscal est conforme à ce principe de proportionnalité aux motifs qu’en prévoyant une telle majoration :

  • le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale
  • le législateur a instauré une sanction dont l’assiette est en lien avec la nature de l’infraction.
  • le taux de cette majoration n’est pas manifestement disproportionné au regard de la particulière gravité du comportement réprimé.

Ces trois motifs nous paraissent difficilement contestables.

On peut toutefois s’étonner que le Conseil constitutionnel n’ait pas pris la peine de rappeler sa jurisprudence « Cahuzac » selon laquelle le cumul entre la majoration et l’amende pénale doit être plafonné afin de respecter le principe de proportionnalité :

« Le montant global des sanctions prononcées ne peut pas dépasser le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues » (CC 24 juin 2016 Jérôme Cahuzac, n° 2016-546 QPC).

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